peu d’importance, le roi fit demander le chacha, tout naturellement,
et comme cela lui arrivait souvent.
Julian Félix da Souza partit en grande pompe, selon sa coutume
chaque fois que le roi le demandait, et arriva à Abomey où il eut
une entrevue avec Glèlè ; tous ceux qui l’accompagnaient l’avaient
vu pour la dernière fois; il ne reparut jamais et personne n’eut
plus de ses nouvelles1. Les uns supposent qu’il mourut sous le
bâton ou torturé ; d’autres croient qu’il était simplement en prison.
Tous les jours, pourtant, on faisait prendre à une certaine
heure le repas du chacha, mais cela n ’est en aucune façon un
indice.
Peu à peu, toute sa famille fut appelée à Abomey ; on l’y attirait
par des messages émanant prétendument de Julian. Un seul de ses
parents fut relâché ; ce fut Antonio Agbakou ; mais on se rappela
qu’il allait tout raconter et, comme c’était inutile, on assura son
silence en l’empoisonnant deux jours après qu’il eut quitté
Abomey (juin 1887).
Les biens de Julian Félix da Souza furent confisqués par le roi
ainsi que tous ceux de sa famille ; la toiture de leurs maisons fut
enlevée, ce qui, au Dahomey, signifie la ruine. Tous leurs amis ou
protégés tombèrent en disgrâce, et l’on ne parla plus jamais qu’à
voix basse, à Whydah, de celui qui avait été le cinquième et dernier
des chachas.
Dès que ces représailles furent terminées, le roi donna à entendre
au gouvernement portugais qu’il avait été trompé par son représentant
à Whydah d’une façon indigne, que jamais il n ’avait
accepté ni n’accepterait le protectorat de personne, et que c’était
bien mal le connaître que de croire un instant qu’il eût pu y consentir.
Jamais le roi de Dahomey, ajoutait-il, n’avait eu besoin du protectorat
d’aucune nation européenne. Il n’y voyait aucun avantage
et préférait garder l’indépendance qui, de tout temps, avait été
l’apanage du pays des Fons; il avait autorisé les Portugais à
arborer leur pavillon sur toute la côte, mais cela n ’avait pas pour
lui d’autre importance; il considérait le drapeau des nations
1. Une mission portugaise fut de nouveau envoyée à Abomey, cette fois
pour réclamer le chacha au titre de lieutenant-colonel honoraire de l’armée
portugaise. On dit que le roi, pour narguer ces messieurs, fit comparaître
le chacha en grand uniforme et chargé de chaînes, mais qu’il refusa énergiquement
de le rendre. •
comme un insigne de commerce et n’avait aucune raison pour
s’opposer à ce que les Portugais déployassent le leur ailleurs que
sur le fort de Whydah.
D’ailleurs, étaient-ils les seuls ? Les commerçants français
n’avaient-ils pas cet insigne également sur le littoral et ne voyait-
on pas aussi à Whydah flotter les pavillons anglais et allemand?
Pourquoi les Portugais voulaient-ils que leurs couleurs eussent,
dans l’esprit du roi, une autre signification que celles des autres
nations? 11 ne s’opposait en aucune façon à les laisser établis dans
les villes du littoral, mais il n’admettait de leur part aucune tentative
pour prendre plus d’influence que les autres Européens qui
venaient faire du commerce, rien de plus.
Le roi déclarait en outre que, si le traité qu’il avait signé en 4 885
contenait autre chose, il le considérait comme nul, car il n’avait
pas autorisé le chacha à l’écrire et ce dernier n’avait aucun pouvoir
pour traiter avec les étrangers; Julian da Souza avait été sévèrement
puni pour avoir outrepassé ses droits.
Le gouvernement portugais comprit qu’il n’était pas plus
avancé qu’auparavant; les frais de garnison et de protectorat étant
une charge inutile pour la colonie de San-Thomé, il fut notifié à
la fin de la même année (1887) aux puissances européennes que le
Portugal retirait son protectorat des côtes du Dahomey.
Après l’Angleterre et le Portugal, la France allait avoir maille
à partir avec le roi Glèlè.
Tous les jours, Porto-Novo prenait plus d’importance ; le roi
Toffa, dévoué à notre cause, favorisait de son mieux nos intérêts,
et le protectorat de 1882 se changeait peu à peu en colonie.
Malheureusement, les résidents français manquèrent de moyens;
la colonie de Porto-Novo fut d’abord comprise avec Kotonou qui
était rattaché administrativement au Gabon depuis le 4 mai 1879.
Le 16 juin 1886, le tout était placé sous le gouvernement du
Sénégal et confondu avec les rivières du Sud (du Sénégal), sous
le nom de Sénégal et dépendances.
Le Sénégal fit encore moins que le Gabon pour aider Porto-Novo,
et ce ne fut guère qu’en 1889 que notre petite colonie commença
à prendre du développement. De 1886 à 1889, Porto-Novo eut de
nombreuses querelles légitimes avec les Anglais qui violaient les
traités et. occupaient sur son territoire une foule d’endroits où
leur but était de devenir les maîtres et de ruiner lè commerce de
la colonie.