du souverain et du gouvernement, il commence son discours.
Il cite Aho, le fondateur de la dynastie, et tous ceux qui lui ont
succédé jusqu’au roi régnant; il rappelle les grandes conquêtes
de chacun et parle de son noble caractère, de sa bonté et de sa
générosité pour Je peuple, de sa sévérité à l’égard des méchants.
Il n ’a oublié aucun de ces détails qui frappent l’imagination et
aident au souvenir ; il s’exalte et parle quelquefois durant plusieurs
heures ; l’enthousiasme gagne la foule, on pousse des cris à la conquête
de Juda ou d’Ardres comme si c’était une gloire nouvelle,
un événement d’hier; on trépigne, et l’orateur est souvent forcé
de s’arrêter pour ce jour-là; la foule ne l’écoute plus, elle va
devant le palais pousser des Vive le Roi! sans doute, en langue
du pays, ou d’autres clameurs à la louange du descendant des
grands conquérants.
Tous les jours, dans un endroit ou dans un autre, la même
scène se répète. Le Dahomien arrive ainsi à savoir son histoire et
la tradition ne se perd pas. Mais on en trouvera rarement qui
veuillent la raconter à un Européen.
Blancs et Brésiliens peuvent, s’ils p o s s è d e n t suffisamment la
langue, assister à ce cours public d’histoire avec fruit, mais il est
rare que les premiers en soient capables; ridiome est excessivement
difficile et il faut parler plus que couramment pour suivre un
orateur ou un conteur.
Le Dahomey est le seul gouvernement de la côte des Esclaves
qui donne à ses sujets une idée du passé de leur nation ; son but
est, sans doute, d’entretenir leur orgueil.
Quoique la plupart d’entre eux la connaissent, les Dahomiens
écoutent néanmoins avec plaisir cette répétition annuelle de la
tradition.
F ê t e d e l ’e s t r a d e . — La fête de l’estrade, ou Attô, est la plus
grande et la plus importante des cérémonies; c’est celle qui, en
elle-même, représente le but des coutumes, les funérailles. De
même que les parents d’un défunt traitent leurs invités à l’occasion
d’un anniversaire de décès, le , roi invite, ce jour-là, son peuple
entier aux funérailles de ses pères.
Trois ou quatre jours avant la fête, on choisît, parmi les prisonniers
de guerre et selon leur nombre, de dix à trente individus ;
ce sont les victimes désignées. Cé nombre varie suivant la générosité
ou l’avarice du roi et son désir de faire plus ou moins
grandement les choses.
Les plus belles funérailles dont on ait jamais entendu parler
au Dahomey furent celles que Glèlè fit à son père Guêzou. Le
peuple, dit l’histoire, avait plus de cadeaux qu’il n’en pouvait
porter, le,, tafia coula comme le Whémé et quatre cents têtes roulèrent
dans le bassin du mingan. Au nombre de ces victimes se
trouvaient plus de trois cents Mahis.
Mais ces grands massacres devinrent rares. On peut estimer la
moyenne des sacrifices humains aux coutumes à une vingtaine
d individus ; il faut bien se rendre compte que les prisonniers sont
de plus en plus rares, que le gouvernement est dans la misère et
qu’il peut vendre chaque homme environ 400 francs.
On a beaucoup exagéré le nombre de ces victimes ; il arrive
que le roi, pour faire honneur à un hôte, fait quelques sacrifices
supplémentaires même en dehors des coutumes; mais, moins il y
a d’étrangers, moins on fait de frais inutiles.
Les individus qu on a choisis parmi les prisonniers de guerre
sont destinés à être envoyés dans l’autre vie, comme émissaires,
aux rois défunts ; ce sont eux qui vont leur porter des nouvelles
de ce monde.
On a cru et l’on croit encore que le Dahomey sacrifiait ses
propree sujets dans ces cérémonies; c’est une erreur profonde.
Sauf les condamnés à mort pour un crime quelconque, qui sont
exécutés en cette occasion, aucun Dahomien n’a jamais été immolé
dans ces circonstances.
S’il en était ainsi, les coutumes, qui sont une fête pour le
peuple, se changeraient en un épouvantail; chacun se rendrait à
la capitale la mort dans l’âme, ne sachant jamais si ce ne sera pas
sur lui que le sort tombera. Au contraire, tout le monde est en
fête ; les cadeaux du roi, les quelques paroles qu’il prononce
enthousiasment cette foule et la plus grande gaieté règne partout.
On tue des êtres humains, mais ces hommes sont des étrangers,
des inconnus et, déplus, des prisonniers de guerre, des ennemis.
Pourquoi cela ferait-il impression sur le guerrier dahomien, qui
égorge son semblable avec tant de dextérité et d’indifférence ?
Les individus destinés aux sacrifices sont attachés sür des côcàs.
Le côcà est un plancher de bambou, long de 40 centimètres
et large de 30, garni de deux petites balustrades, sur lesquels
on porte un pot d’huile et une dame-jeanne de tafia. Tous les
indigènes se servent du côcô pour porter les produits dans les
centres de commerce et en revenir avec les marchandises.