la cime l’emporte sur la base et elle tombe en avant, s’effondrant
avec fracas dans une volute impétueuse....
La plage se couvre d’eau et d’écume lancées sur sa pente par la
violence du choc ; une légère vapeur s’élève, aussitôt dissipée, et
la masse d’eau redescendant disparaît au pied de la nouvelle
lame qui brise.
Il y a ainsi trois lames qui se suivent; on leur donne le nom de
premier, deuxième et troisième brisant. La distance entre elles
est de 60 à 80 mètres, et l’espace qui s’écoule entre l’arrivée des
groupes de trois vagues va de dix à'vingt-cinq secondes, selon la
violence du vent ; on le nomme embellie. La hauteur des vagues
à leur formation varie, selon l’état de la barre, entre S et \ 0 mètres.
C’est sur la côte du Dahomey et des Popos que la barre est le
plus mauvaise. Elle est moins dangereuse sur les autres points du
golfe et va en diminuant au fur et à mesure que l’on s’éloigne de
la région dont nous parlons, soit vers l’est soit vers l’ouest.
Dans le silence des nuits tropicales, à plusieurs milles dans l’intérieur,
on entend le bruit de la barre comme un roulement lointain
et continu de canon.
Il est impossible de parler de la barre sans mentionner, en passant,
le courage et l’énergie de ceux qui, pour un modeste salaire,
risquent journellement leur vie pour la franchir. Nous voulons
parler des Minahs *.
Les Dahomiens, les Porto-Noviens, les Yoroubas ont peur de
la barre ; les premiers surtout parce qu’ils n’ont aucune notion de
navigation, même sur les lagunes. Les Européens qui font le commerce
de la côte, ayant besoin de communiquer constamment avec
les navires, sont obligés d’avoir sous la main à toute heure un personnel
réservé au passage de la barre ; ils sont donc forcés, les
indigènes se refusant à ce travail, de recruter des Minahs qu’ils
engagent à l’année.
Au péril naturel qu’offrent les éléments vient se joindre celui
que cause la présence d’une quantité considérable de requins. Ces
squales foisonnent dans la barre, et, lorsqu’une pirogue chavire, il
y a généralement mort d’homme.
C’est donc un dangereux métier que celui de passeur de barre.
Les embarcations qui servent à ce travail ont la forme d’une balei1.
Habitants d ’Elmina (Côte d’Or). On donne vulgairement le nom de
Minahs à tous les habitants de la Côte d’Or.
nière. Malgré toutes les précautions et l’expérience qui ont présidé
à leur construction, elles chavirent continuellement, ce qui donne
une idée de la violence des lames.
Le mouillage des navires sur la côte est assez sûr. On rencontre
à la sortie de la barre des fonds de sable variant entre 8 et 15 mètres
; les vapeurs mouillent généralement à 200 mètres du troisième
brisant, et les voiliers à 700 ou 800 .mètres.
La quantité de marchandises perdues dans la barre s élève
chaque année à plus de 100 000 francs ; à ces,pertes, üfaut ajouter
les naufrages qu’elle cause, car si le vent, le courant ou la rupture
d’une ancre jettent un navire dans les brisants, il est irrévocablement
perdu et mis en pièces en quelques minutes. Un vapeur
même n’a chance de se sauver que s’il est sous pression. Enfin il
faut compter, dans les désastres que cause la barre,,les nombreux
Minahs qu’elle enlève chaque année à leur pays. ,
En 1891, on a commencé à Kotonou la construction du n
w h a rf1 s’avançant dans la mer jusqu’à 212 mètres de la cote, et
qui, par conséquent, arrive en avant de la barre. C’est une jetée
établie sur de forts piliers en acier, sur lesquels la mer a peu de
prise. Les navires ne peuvent pas accoster le wharf, la houle es
en empêche. On est toujours obligé de transborder passagers et
marchandises du navire sur les embarcations légères des Minahs.
Seulement ces embarcations peuvent aller débarquer leur charge
ment sur le wharf. On peut les y hisser elles-mêmes le soir. Des
grues et des portemanteaux permettent ces diverses manoeuvres.
I. W h a rf est un mot anglais qui signifie appontement, quai, jetee (en
fer. ou en bois seulement).