GÉOGRAPHIE MODERNE. 69
bouchure des fleuves qu’à marée basse, à moins, bien entendu,
que les fonds ne soient insuffisants.
Les mois où la barre est le plus dangereuse sont ceux de juillet,
août, septembre, où le contre-équatorial entraîne les eaux vers
l’ouest.
On peut donc conclure que, si les deux courants équatoriaux ne
forment pas la barre, ils sont du moins la cause de son impétuosité
et du danger qui en résulte.
Les vents ont également une influence directe sur la barre ; elle
augmente ou diminue selon qu’ils soufflent avec plus ou moins
d’impétuosité ; le vent de terre ou vent du nord la fait tomber, et
c’est lorsqu’il règne qu’elle est le plus facile à passer. Le phénomène
de la barre s’accomplit pourtant d’une façon uniforme, quelle
que soit l’époque de l’année et l’état du vent et des courants. Vue
du large, la barre n’apparaît que comme une ligne d’écume;
son bruit ressemble, dans l’éloignement, au bruit lointain du
tonnerre.
C’est de terre qu’il faut la voir, avec ses montagnes d’eau qui
s’avancent vers la côte, calmes et majestueuses. L’idée qu elle
évoque alors est celle de l’Océan qui déborde, envahissant la côte
dans un bouleversement subit. Le spectacle est grandiose, imposant
; celui qui l’a contemplé ne l’oublie jamais.
La plume est impuissante à décrire ces grandes scènes de la
nature ; la photographie elle-même, si fidèle pourtant dans ses
reproductions, ne les peint pas avec exactitude. Il y manque ces
espaces sans fin et ces couleurs chatoyantes nées des rayons du
soleil sous un ciel d’azur. 11 y manque aussi ces mille bruits qui
nous impressionnent et enfin la vie et le mouvement.
Les évolutions de la barre sont régulièrement espacées.
A 300 mètres du rivage, on voit d’abord se former une grosse
vague qui prend son élan vers la côte ; son élévation atteint plusieurs
mètres ; elle court, creusant devantelle une vallée profonde
au fond de laquelle on voit passer et repasser des tourbillons
d’écume roulés par la masse d’eau qui les pousse. Au fur et .à
mesure qu’elle avance, la montagne liquide diminue de hauteur;
on aperçoit alors derrière elle, une soeur jumelle qui la poursuit.
Augmentant toujours de vitesse, la première lame arrive à la côte
avec une force inouïe; ses eaux blanchissent,... sa crête se couronne
d’écume,... un peu avant d’arriver sur le sable, elle s’arrête
brusquement et comme indécise... ; mais l’élan est irrésistible,...