
 
		De là des moeurs,  des  idées,  des usages forcément différents  de  
 ce  que  nous  connaissons,  qui  demandent  des  définitions  spéciales, 
   et qui ne permettent pas  de  juger  le  caractère du noir par  
 simple  comparaison. 
 Si,  au contraire,  à ce  même point  de  vue,  nous  comparons  le  
 moral du noir  à celui  que nous  exigeons de nos  semblables,  nous  
 lui  trouvons  forcément tous  les  défauts  et  très  peu  de  qualités.  
 Examinons  le Dahomien,  par  exemple,  qui  est le  pire  des nègres  
 de la Guinée. 
 11  est  astucieux  et  hypocrite,  parce  que,  dès  son  âge le  plus  
 tendre, il lui a été défendu de dire.ee qu’il  pensait. Dans le pays où  
 il vit, il ne faut jamais obéir à l’impression du moment;  on vit sous  
 le coup d une continuelle  terreur; on ne sait jamais  si le lendemain  
 on verra se  lever le  soleil.  Le  souverain, le fétichisme, la police  du  
 pays,  tout force  le  Dahomien  à  réfléchir à ce  qu’il  dit,  à  ce  qu’il  
 tait, dans les moindres détails. Chacun a  ses ennemis  en ce monde  
 et peut être perdu par  un  mot  imprudent. De  là l’habitude  prise  
 dès  enfance,  sous  l’exemple  de  parents,  de  tromper,  parce que  
 c est  1 usage et parce  qu’on  est  trompé ¡soi-même.  Avec  la  pratique, 
   on  finit  par comprendre  la vérité  aussi  clairement  que  si  
 elle  était dite.  La dissimulation  dans  le langage n’est qu’une  formule  
 de convention et on lit entre les mots, avec l’habitude, comme  
 entre les lignes  d’un  écrit. 
 Admettons qu’un Dahomien vienne  dans  un  magasin  exprès et  
 e fort loin pour acheter une pipe ;  il commencera par marchander  
 dix objets  différents en ayant l’air de  s’y intéresser très  vivement •  
 il discutera du prix avec toute la ténacité d’un acquéreur besogneux  
 et  avare,  mais  avec  l’intention  bien  arrêtée  d’avance  de  ne  rien  
 acheter. 11  arrivera ensuite,  et comme  accidentellement,  à ce qu’il  
 desire ;  il  en  parlera  avec  une  indifférence  affectée  et  comme  si  
 c était sans  importance  pour  lui. Cet  exemple  peut  s’appliquer à  
 tout et dans  tous  ses actes.  Celui qui vivrait longtemps  avec lui et  
 1 étudierait  avec soin devinerait  bientôt  sa  pensée  et la comprendrait  
 aussi clairement  que s’il allait droit au but. 
 La forme même de  son langage  se ressent de  sa  façon de penser. 
   Il est ainsi  en  tout  et pour tout avec ses  semblables,  comme  
 avec  les  étrangers.  Il  causera  longtemps  de  choses  sans  importance, 
   et  si  la  conversation  n’a  pas  offert  de  tournure  propre  à  
 placer accidentellement sa phrase, il s’en retournera plutôt que de  
 vous  dire  pourquoi  il  était  venu ;  il  recommencera ainsi  dix fois 
 avec un  calme  et  une patience  parfaite  et  sans  se décourager.  Si  
 vous le  devinez, il  nie faiblement avec un sourire  qui est une adhésion  
 et qui vous le rend encore plus  antipathique. 
 Il estmenteur parce que le mensonge  est le complément nécessaire  
 de l’hypocrisie et que  l’habitude  en  est  enracinée chez  lui.  
 Il  est  également voleur  avec  l’Européen parce  qu’il  le  considère  
 comme l’ennemi et tout ce  qu’il lui vole  est autant de pris  sur lui. 
 Tel  est  le  type  général  du  caractère  dahomien,  nagb,  popo,  
 minah ;  peut-être  est-il plus prononcé  chez  le premier,  mais tous  
 plus ou moins  se  ressemblent  sous  ce rapport. 
 En dehors de ces caractères marquants,  on  remarque  un  grand  
 défaut  de  sensibilité  morale  chez  les  noirs.  Ils.sont,  par  suite,  
 d’une  insouciance qui  révolte.  Quelle  que  soit  leur  infortune,  ils  .  
 chantent ou dahsent comme des  gens heurèux.  Ils ne connaissent  
 ni l’affliction ni la  peine ; l’approche  dé  là mort chez un des  leurs  
 n’arrive même  pas  à remuer chez eux  la fibre  endormie  ou plutôt  
 détruite.  Gela  ne  les  empêche  pas  de  se  prodiguer  en  paroles,  
 justement  parce  qu’ils  ne  sentent  rien,  toutes  sortes de compliments  
 de condoléance., d’encouragement, de bienvenue ou de  félicitations  
 dont  ils  ne  pensent  pas  un  mot.  Le ton et la façon dont  
 ils  échangent ces phrases toutes faites montrent  qu’elles  ne viennent  
 que  des  lèvres.  Il en  est  de  même  lorsqu’ils  se  demandent  
 mutuellement de  leurs nouvelles ; ils savent fort bien que  ce n’est  
 de paît et d’autre  qu’une  simple formule de  politesse.  Il y a ainsi  
 une  sorte  de cérémonial consacré  par  les  usages  et  qui  est  suivi  
 dans  toutes  les classes. 
 Nous  avons  passé,  plusieurs  années  au  milieu  d’eux;  jamais  
 nous n’avons vu la mère embrasser  son  enfant. 
 Nous  savons  que  l’action  d’embrasser  avec  les  lèvres  est une  
 invention de la civilisation  et  qu’elle  est ignorée de  tous  les peuples  
 primitifs. Mais  les  animaux  eux-mêmès  trouvent  moyen de  
 manifester  de mille  façons  leur  tendresse  à leurs  petits. A défaut  
 d’actions, la négresse pourrait au moins parler  à l’enfant,  lui prodiguer  
 ces  petites  flatteries  que  la  mère  trouve  pour l’occuper,  
 pour l’habituer au  son de la;voix.  Il n’en est rien ;  on le laisse dormir  
 ou veiller, jouer  avec ce qu’il  trouve ;  s’il apprend à parler, ce  
 ne  sera  qu’en  entendant  les  conversations  autour  de  lui;  auSsi  
 parlera-t-il  très  tard.  S’il  tombe,  on le  relève ;  s’il  pleure,  on le  
 berce dans les  bras  pour le faire cesser.  Les  enfants  sont soignés  
 physiquement,  c’est-à-dire  qu’on  évite  qu’ils  roulent  dans  un