par leurs conquêtes, leur cruauté ou leur tyrannie. Tels sont
Agadja, Adonozan, Guézon, dont on a lu les noms dans l’histoire
du pays. A Porto-Novo, Ajahuto, c’est-à-dire Hufon, nom sous
lequel il est le plus connu.
On ne représente pas ces dieux comme les autres, par des
figures ou des symboles; on élève un culte à leur mémoire; on
les invoque, on leur fait des sacrifices; les prêtres d'Ifa sont
chargés de ce culte.
La zoolatrie, quoiqu’elle n’ait point d’idoles qu’elle vénère,
possède de nombreuses figurines qui se trouvent dans toutes les
habitations et la plupart des temples fétiches. On n’adore pas
l’image des animaux, mais les animaux eux-mêmes.
Les bêtes utiles sont regardées chacune comme la favorite d’un
dieu quelconque; elles deviennent ainsi sacrées. Si on les tue à
dessein ou par accident, on s’attire les peines les plus sévères.
Parmi les principaux animaux fétiches, on peut citer le serpent
python, dont nous parlerons tout à l’heure ; le vautour-busard, qui
se charge, avec le porc, du service de la voirie et qui, pour les services
qu il rend au point de vue de la salubrité, est protégé par le
culte; la bergeronnette. Le roi de Porto-Novo a un boeuf et un
bouc favoris qui sont fétiches; lorsqu’ils se promènent au marché
et dans la ville, ils ont le droit de manger ce que bon leur semble
et où ils veulent. Loin d’en paraître fâchés, ceux dont ils broutent
le bien sont heureux et fiers, du moins en apparence, de donner
à manger aux fétiches.
Le serpent est, au Dahomey, un des dieux les plus aimés. Il
appartient au 'genre python de petite taille. Aux Popos, on peut
dire qu’il est la principale divinité après le Créateur. On lui attribue
tous les biens et tous les maux; les premiers sont reçus comme
des bienfaits du dieu reptile, et les seconds regardés comme des
châtiments mérités. Chez les Fons, sans être unique comme on l’a
vu, il tient une grande place dans la religion. Il s’appelle Dangbé
(serpent) ; il est le seul dieu qui donne un nom à ses prêtres : les
hommes s’appellent Dangbeno et les femmes Dangbéssi. Il a de
nombreux temples où il est entretenu vivant; quelquefois, pourtant,
on le voit en bois ou en terre; il jouit d’un prestige extraordinaire
aux yeux de tout le monde.
Un seul être fait cependant exception à la règle : c’est le porc.
Lorsqu il rencontre le dieu (ce qui arrive à chaque pas au Dahomey
et aux Popos), sans souci de la vénération dont il est l’objet, il le
tue, le mange ou tout au moins le piétine quand il a assez dévoré
de ses congénères. Chaque fois qu’il est pris sur le fait, le porc est
impitoyablement mis à mort et offert en holocauste à Dangbé à
titre de compensation.
Le grand temple fétiche de Whydah contient des centaines de
pythons auxquels on prodigue les plus grands soins ; ils ont un
nombreux personnel qui veille à leur bien-être, leur apporte leur
nourriture (des rats, des poules) et empêche tout le monde de leur
faire du mal.
Comme il est défendu de renfermer les dieux, le temple de
Dangbé, pas plus que les autres, n ’a de porte ; or, malgré tout le
bien-être qu’il peut éprouver chez lui, Dangbé a l’humeur volage
et il aime à courir au grand air, ce qui fait que les dieux passent
littéralement leur existence à se répandre par la ville, et leurs
serviteurs aies rapporter au logis. Lorsqu’un féticheur apprend
par un dévot qu’un python est quelque part dans le voisinage, il
accourt dans la plus grande hâte, se jette à terre dès qu’il l’aperçoit
et marmotte des paroles inintelligibles ; après quelques simagrées,
il touche légèrement Dangbé sur le dos, et celui-ci se roule
aussitôt en spirale ; le prêtre le prend dans ses bras et, avec les
plus grands soins le rapporte au temple fétiche, d’où le serpent
ressort dix minutes après.
Le python est inoffensif, en ce sens que sa morsure n’est pas
venimeuse ; mais les volailles et les petits quadrupèdes courent,
dans son voisinage, les plus grands dangers. S’il est de forte taille,
les chèvres, les moutons et même les petits enfants lui servent
de pâture ; il va sans dire qu’on m'oserait pas même lui arracher
un enfant, telle est grande la crainte qu’il inspire par son pouvoir
surnaturel.
Il est bien vrai que cette superstition grossière et exagérée fait
de ces noirs des gens abjects; la mère verrait sa créature servir au
repas d’un ignoble reptile (le cas s’est présenté plusieurs fois aux
Popos) qu’aucun autre sentiment ne se manifesterait en elle qu’un
respect profond pour la volonté du fétiche. C’est être, sous ce
rapport, bien au-dessous des femelles des animaux, si courageuses
pour défendre leurs petits.
Après les animaux fétiches, quelques végétaux sont regardés
comme sacrés: le rocco1, le baobab, le fromager et, en général,
1. Un faux ébénier.