vont les tuer ou les faire prisonniers. Pour sauver son père,le prince
fait prendre à la troupe une autre direction, et le roi de Dahomey
fuit seul à travers les bois, ne songeant plus qu’à sauver sa vie.
Las enfin, les ennemis s’arrêtent, laissant fuir, à dessein peut-
être, quelques rares survivants destinés à raconter aux autres le
désastre qui vient d’arriver. Ayant retrouvé en route une des pantoufles
du roi Guêzou, ils la rapportent à Abéokouta comme un
trophée précieux.
La campagne contre Abéokouta coûta au Dahomey près de trente
mille hommes dont quatre mille amazones, et toutes les richesses
du roi jetées au vent pendant la déroute (1832).
Guêzou se consola vite du revers qu’il venait d’éprouver ; en
1834, il marcha contre les Mahis, qui n ’avaient jamais été complètement
subjugués, et leur enleva un grand territoire situé au
nord d’Abomey.
Chaque année, il envoyait piller aux environs à l’effet de se procurer
les prisonniers nécessaires à la traite et aux coutumes1,
comme cela se faisait au Dahomey depuis deux siècles. Ces pètites
expéditions, qui eurent lieu sous le règne de tous les rois du
Dahomey, duraient environ trois mois, de février à avril, moment
où les basses eaux permettent de traverser les cours d’eau à gué,
car la tradition défend aux Dahomiens de passer l’eau pour faire
la guerre. Nous pensons que cette époque de l’année est choisie
parce que le Dahomey n ’a pas de pirogues, plutôt qu’elle ne l’est
par respect de la tradition.
A la mort du chacha, son fils Isidoro, qui habitait Ajudo s, vint
lui succéder dans ses fonctions. Quant au partage de sa fortune*
les trois frères étaient en désaccord complet. Les deux aînés comblèrent
le roi de cadeaux pour qu’il déshéritât le troisième, et le
roi les appela tous trois à Abomey pour régler le différend.
Guêzou s’acquitta de ses fonctions d’arbitre d’une façon qui
eût donné à croire qu’il connaissait la fable de l’Huître et les
Plaideurs.
A titre d’ami intime lui-même de Francisco Félix da Souza, il
commença par prélever les trois quarts de ce que le défunt avait
laissé. A l’aîné, il conseilla de se contenter de la charge de son
1. Coutumes, cérémonies annuelles pendant lesquelles on massacre des
prisonniers. Nous en parlerons plus loin.
2. Ajudo est en face des Popos, de l’autre côté d e la lagune ; il ne faut
pas le confondre avec Ajuda.
père pour laquelle il y avait force concurrents, à chacun des deux
cadets, il donna une maison, l’une à Zomaï (près de Whydah),
l’autre à Quendjé (quartier de Whydah).
Le jour où il avait appris la mort de son père à Ajudo, Isidoro
da Souza, en faisant tirer des coups de fusil en signe de deuil, mit
le feu à sa maison et perdit dans l’incendie tout ce qu’il possédait.
Des papiers importants, et qui représentaient la fortune de son
père confisquée temporairement à Bahia, lors de sa déportation,
furent également perdus dans le désastre.
Le nouveau chacha était dans la misère ; il ne craignait donc
pas d’exciter les convoitises comme son père. Malgré sa gêne, il
se fit respecter et garda toujours à Whydah un grand prestige.
Quelque temps après, il se mit en correspondance avec le gouverneur
portugais des îles Saint-Thomé et du Prince et il l’invita à
venir à Whydah.
Ce fonctionnaire accepta son invitation et vint passer un mois
dans la seconde capitale du Dahomey ; la musique de sa corvette
descendit à terre avec la plus grande partie de l’équipage et mit
la ville en gaieté pendant sa visite. ?
A la suite de longs entretiens avec le chacha, le gouverneur
José Marquèz fit réoccuper militairement le fort portugais depuis
longtemps abandonné, et nomma Isidoro da Souza gouverneur du
fort avec le grade honoraire de lieutenant-colonel d’infanterie de
marine. Une milice, composée de noirs brésiliens et d’indigènes,
équipée par le chacha, vint renforcer la garnison du fort.
Comme on l’a deviné sans doute, l’intention d’Isidoro da Souza
était de faire de Whydah une possession portugaise. Le gouvernement
de Lisbonne l’appuya peu ou point, et les choses en restèrent
là, à la mort du deuxième chacha, mort qui fut aussi subite
que celle de son père (1838).
Guêzou mourut cette même année, emporté par une épidémie
de petite vérole. Un peu avant sa mort, il avait volontairement
abdiqué en faveur de son fils, le prince Badohoun, qui, sous le
nom de Glèlè, avait pris les rênes du gouvernement.
Le règne de Guêzou se distingue par des progrès notables dans
la façon de gouverner. Il fut un des rares monarques dahomiens
qui eurent, chez le peuple, ce que l’on peut appeler de la popularité
; il chercha à encourager le développement du commerce chez
ses sujets, et se fit facilement accessible aux Européens; il les
obligea chaque fois qu’il en eut l’occasion, les favorisant naturelle