besoins des fabricants ; il s’ensuit que, selon qu’ils en désirent
plus ou moins, ceux-ci apportent plus ou moins de marchandises
en échange. En un mot, ils garnissent leurs porte-monnaie en
raison des emplettes qu’ils ont à faire.
Les grandes villes sont désignées par les gouvernements indigènes
pour être le siège des marchés. Tous les petits villages ou
hameaux des alentours y réunissent leurs vendeurs et leurs acheteurs.
Selon les pays, la foire est quotidienne ou non.
A Porto-Novo, elle a lieu tous les cinq jours. Selon la façon dont
comptent les indigènes, cela ne fait en réalité que trois jours entre
les deux foires. Si, par exemple, la dernière a eu lieu un mardi, la
prochaine est pour le samedi. Les noirs comptent le mardi et le
samedi comme un jour en pareil cas, quoique le marché finisse le
soir de l’un et recommence le matin de l’autre. Il faut connaître
cet usage des indigènes pour ne pas se tromper.
A Godomé, la foire a lieu tous les trois jours; à Abomey-Calavy
et à Petit-Popo, tous les deux jours ; à Whydah, tous les jours ; à
Grand-Popo, tous les matins seulement, etc. Sauf celui de Grand-
Popo, les marchés durent toute la journée. Ils ont également lieu
dans beaucoup d’autres localités de l’intérieur.
La foire ne commence que tard le matin, à cause de la distance
que les gens ont à parcourir. Ils partent généralement des villages
la nuit ou au point du jour, selon leur degré d’éloignement, et la
première agitation ne commence que vers dix heures.
C’est une chose fort intéressante qu’un de ces marchés ; elle
mérite d’être vue au moins une fois. Les marchands des deux
sexes prennent place sous de longs abris en feuilles de palmier et
en branchages, qui se multiplient sur la place du marché. Plus ou
moins en ruines, ces petits hangars ne mettent ni les marchands
ni les marchandises à l’abri du soleil ou de la pluie (dans ce dernier
cas, la foire n’a pas lieu) ; entre leurs rangées se croisent une
multitude de passages destinés aux acheteurs.
Les marchandises sont placées par catégorie. Voici d’abord les
vanniers, au milieu de leurs articles variés, éblouissants de propreté
et exhalant 1 odeur agréable du foin. A côté d’eux, les marchands
de meubles avec leurs objets encombrants, et les calebas-
siers qui disposent en pyramides leurs récipients multiformes.
La calebasse ciselée est placée bien en évidence, afin d’attirer les
yeux du client. Un peu plus loin, et passant du blanc au noir,c’est
le séjour des forgerons. Ici, de tous côtés, c’est le fer sous mille
formes : brut, forgé, en feuilles, en baguettes, en anneaux, serrures,
clefs, chaînes, pinces, poinçons, marteaux, clous, bracelets,
cloches, haches, bêches, ciseaux à froid, crochets, débris divers,
etc. Le laiton est là aussi, jetant çà et là, sur les ferrures,
une note claire. Voici, ensuite, les cuivres ciselés, repoussés,
sculptés, fondus ; les éventails, les petits fétiches, les découpures,
les bracelets, les jambières, les anneaux et gris-gris .
Arrivons au milieu de ces femmes empressées autour d’un étalage
: c’est la marchande de bijoux faux, de perles multicolores, de
toutes tailles et formes, en fils, en groupes, en paquets ou en
assortiment ; bracelets en verre bleu, amulettes, boucles d’oreille,
bijoux en amandes de palme, etc. A côté sont des tissus, dont les
nombreux échantillons polychromes pendent à des cordes. Ce sont
les produits de la manufacture anglaise : mouchoirs voyants,
pagnes somptueux, à l’apparence trompeuse et aux couleurs éphémères
; écharpes, bonnets brodés, etc., toutes choses qui ont le
don de fasciner le noir. Tout près, ret comme honteux de leur
brillant voisinage, s’étalent les pagnes du pays plus solides et
meilleurs, mais manquant de teinte et d’apprêt.
En continuant notre chemin, nous apercevons les corroyeurs
offrant aux passants les produits de leur industrie : éventails,
ceintures, couteaux avec leurs gaines ornementées, boîtes, sacoches,
etc., le tout exhalant l’odeur nauséabonde de l’indigo, jointe
à celle du cuir mal tanné. Les sculpteurs exposent, un peu plus
loin, leurs cannes fantaisistes, leurs petites statuettes en bois naturel
ou peint, leurs mortiers de toutes tailles, leurs ratières, leurs
écuellés et leurs manches de pioche. Puis viennent les marchands
de sel, de chaux, de savon, de fagots, de farine de manioc,
d’ignames, de maïs, d’accras1, de patates, de kiaves, de piment
et d’huile de palme ; les fruitiers, qui étalent leur marchandise
appétissante et bon marché, les fabricants de cages, les revendeurs
de produits européens : alcools, genièvre, tabac, allumettes,
pipes en terre et en bois, porte-monnaie et canifs d’un sou, flacons
de parfumerie, foulards, chaînes de montre, faux corail,
bagues à chaton, bonbons anglais, biscuits de mer, pots de pommade2,
fil, aiguilles, pantoufles, accordéons, flûtes en fer, huile
de ricin, boîtes de sardines, etc., etc.
t.. L’accra est déerite plus loin, p. 153.
2. La pommade de moelle de boeuf parfumée à la vanille est un comestible
recherché des indigènes.