Vers 1830, Guêzou organisa et tenta une expédition contre les
Achantis. Comme son illustre ancêtre Agadja, il voulait devenir
un grand conquérant et ajouter au Dahomey d’autres contrées.
Mais les Achantis, qui étaient une puissance formidable et aguerrie,
opposèrent à l’attaque des Dahomiens une armée supérieure
par le nombre et par le savoir militaire.
Ces hommes splendides, à la force herculéenne et dont le
dédain de la mort égalait celui des Fons, reçurent derrière leurs
boucliers et sans broncher le choc de l’armée de Guêzou. Leur
calme, contrastant avec l’exaltation des Dahomiens, ne se départit
pas un instant. Lorsqu’ils commencèrent à frapper, Guêzou vit
ses guerriers tomber sous leurs massues, comme les épis sous la
faux.
C’en était fait de son armée, si le roi de Dahomey, reconnaissant
son infériorité, n ’eût donné le signal de la retraite.
Depuis, on ne parle qu’à contre-coeur de cette fâcheuse expédition,
qui eût eu des suites terribles pour le Dahomey si les Achantis
avaient eu l’idée de faire sa conquête. Les Dahomiens souffrent
dans leur orgueil d’avoir à reconnaître la supériorité des
Achantis *.
En 1851, deux ans après la mort de Francisco da Souza, le roi
Guêzou signe avec la France un traité de commerce et d’amitié
(1er juillet). ,
Vers la fin de la même année, il déclare la guerre aux Egbas8,
et, à la tête de trente mille hommes, se dirige vers leur territoire ;
pour la première fois, il emmène au combat ses amazones, comprises
dans l’effectif au nombre de sept à huit mille. Le début de
la campagne fut assez heureux ; l’armée dahomienne arriva après
quelques succès sous les murs d’Abéokouta, où elle établit son
camp.
Les Egbas ne peuvent lutter en champ découvert, mais ils se sont
réfugiés dans la ville, qui, par sa situation, est presque imprenable.
D’énormes roches à pic défendent ses abords, et les assiégés ont
des vivres pour longtemps, tandis que l’armée dahomienne meurt
de faim au milieu du pays qu’elle-même a dévasté. Ce motif fait
hâter le dénouement.
Le signal de l’assaut est donné ; assiégés et assiégeants font des
1. Les ennemis du Dahomey disent qu’il y a la même différence entre un
Dahomien et un Achanti qu’entre un chat e t un léopard.
2. Egbas, habitants du territoire d’Abéokouta, dans le Yorouba.
prodiges de valeur. Des Dahomiens, ayant découvert un endroit où
les aspérités permettent l’escalade, arrivent jusque sur les murs
de la ville où a lieu une lutte acharnée ; les combattants piétinent
les cadavres, les bras se lèvent et retombent avec la fureur du désespoir.
A un certain endroit surtout, les Dahomiens font un véritable
carnage ; les ennemis tombent, tombent toujours ; tout rouges
de sang, couverts de blessures, leurs bras infatigables frappent
toujours et portent la mort dans les rangs ennemis. Quels sont
donc ces démons qui fauchent ainsi leurs adversaires ? Ce sont les
amazones !
La déroute des Egbas va commencer; le découragement se peint
sur leurs traits ; ils vont abandonner le combat laissant la victoire
aux ennemis. Abéokouta est perdue ! A cet instant, un soldat
dahomien atteint mortellement vient rouler aux pieds d’un chef
egba qui, sous ses vêtements en lambeaux, aperçoit... le sein
d’une femme.
— Egbas ! s’écrie-t-il, ce sont des femmes qui nous font la
guerre. Egbas ! nous laisserons-nous vaincre par des femmes?
Et ce cri court le long des remparts, rendant le courage et l’énergie
aux assiégés ; les Dahomiens, qui se voyaient déjà maîtres de
la ville, sont repoussés au delà des murs. Tenter un nouvel assaut
est impossible ; il faut songer à la retraite.
Elle commença, cette retraite terrible, néfaste, à jamais gravée
dans les annales de l’époque ; les Egbas avaient perdu peu de
monde, tandis qu’il manquait bien des soldats dans les rangs dahomiens.
Les habitants d’Abéokouta, au nombre de quarante mille,
sortirent de la ville et commencèrent la poursuite ; vingt fois
l’armée dahomienne, à bout de forces, fit volte-face et tenta de
combattre, vingt fois elle fut défaite laissant à chaque engagement,
sur le champ de bataille, une partie de ses guerriers.
La poursuite continue toujours plus acharnée de la part des
Egbas, encouragés par le succès.
Guêzou, sur son chemin, pense à Ichaga, un petit pays qui est
son tributaire et où il pourra trouver refuge et renforts. Hélas !
Ichaga se tourne contre lui et se joint aux Egbas dont il augmente
le nombre.
L’armée dahomienne est affolée ; elle ne bat plus en retraite,
elle fuit en désordre, toujours poursuivie et décimée. Guêzou et
son fils, le prince Badohoun, n’ont plus auprès d’eux que quelques
hommes, blessés pour la plupart; les ennemis, qui sont en vue,