façons de procéder pour satisfaire aux besoins incessants de la
traite. La guerre était le moyen le plus expéditif; des gens,
jusque-là amis, en menaient aux mains sans autre motif qu’un
prétexte futile dont aucun d’eux n’était la dupe.
D’autres fois, au lieu d’avoir recours à une expédition, on se
contentait de part ou d’autre de se surprendre, la nuit, dans un
village, et de disparaître avant le jour ; de nombreuses affaires de
ce genre furent patronnées par les Européens. Dans ce dernier
cas, les gens étaient mieux équipés et armés ; ils étaient sous la
conduite de chefs guidés par les conseils des Européens, lesquels
s’y prenaient beaucoup mieux. Les résultats étaient souvent très
satisfaisants, et il y avait fort peu de risques.
Profitant du lourd sommeil des habitants, les maraudeurs s’introduisaient
dans le village avec le plus grand silence. Ils entr’ouvraient
les portes après avoir écouté au dehors si rien ne troublait
la tranquillité ; les habitants étaient surpris, bâillonnés, garrottés
avant de s’être réveillés, et les voisins mêmes n’avaient rien
entendu. Les vieillards étaient laissés, et tous les hommes, femmes
et enfants valides, emmenés au dehors du village où ils formaient
un convoi.
Si un habitant, éveillé par hasard, poussait un cri d’alarme, il
était mis à mort, et les maraudeurs gardaient l’immobilité jusqu’à
ce que le calme fût rétabli, dans le cas fort douteux où ce cri eût
réveillé quelqu’un.
D’autres fois, les blancs mettaient eux-mêmes la main à ces
sortes d’entreprises, mais jamais dans les endroits où ils avaient
des comptoirs ; ils prenaient un de leurs navires et se rendaient
sur des points de la côte où il n’existait aucun établissement. Dès
que le navire jetait l’ancre à l’entrée d’une rivière ou dans une
petite baie, les indigènes, selon leur coutume, se rendaient en
foule au navire, montés sur leurs petites pirogues, et apportant
des fruits ou des produits du pays qu’ils voulaient échanger contre
des objets européens. On les laissait monter à bord, convaincus
qu’ils étaient de leur sûreté, et, au moyen de ruses savantes
pour les isoler les uns des autres, ils étaient presque tous garrottés
et jetés à fond de cale avant que l’alarme fût donnée. Ces
pauvres gens payaient cher leur visite au navire. Tous ceux qu’ils
avaient laissés à terre, famille, femme, enfants, ne devaient plus
jamais les revoir.
Il en coûta parfois beaucoup aux Européens d’avoir procédé
avec tant de déloyauté. Mais, malheureusement, ce furent souvent
les innocents qui furent punis pour les coupables. Des navires venus
dans des intentions tout à fait pacifiques, après les négriers, virent
surprendre et massacrer leurs équipages après les plus horribles
tortures. Les indigènes se vengeaient des blancs, qui, pour eux,
étaient tous de la même famille et responsables de leurs actions
les uns vis-à-vis des autres.
En plus de ces tentatives dans le but de faire des prisonniers,
il se produisait à chaque instant des abus isolés de la part de tout
le monde.
L’homme libre, qui vendait, hier encore, des esclaves aux Européens,
se trouvait captif aujourd’hui et enchaîné peut-être à ceux
qu’il avait amenés. C’était au plus fort, au plus rusé que restait la
victoire, et encore trouvait-il lui-même son maître un jour ou
l’autre. Au Dahomey, la moindre peccadille motivait l’envoi du
coupable à l’un des forts, ce gouffre insatiable et toujours ouvert.
Le roi faisait argent de tout. Sans vendre, par principe, aucun
de ses sujets sans motif, il faisait de l’esclavage la punition de
fautes qui, en d’autres temps, eussent encouru la peine de mort
ou même l’emprisonnement.
Au Dahomey, de tous temps, il n’en a pas fallu beaucoup pour
réduire un homme à cette extrémité. A chaque instant, le monarque
envoyait aux Européens un malheureux qui était joint immédiatement
aux convois que l’on préparait sans cesse. Ses propres
femmes, nous l’avons dit, n ’en étaient pas plus exemptes que les
chefs ; tous esclaves, et ne changeant pas, selon lui, de situation
en pareil cas.
Chacune des nations voisines du Dahomey paya, au temps de
l’esclavage, son tribut à la traite. Les négriers, au bout de quelques
années de pratique, avaient fini par lire dans les tatouages
d’origine avec sûreté, et distinguer les indigènes de ces différents
pays qui n’avaient pas tous la même valeur sur le marché, en
raison de leurs diverses provenances.
Ce qui viendrait à l’appui de notre hypothèse, qu’au début il
y eut un grand nombre de races qui formèrent les populations
actuelles, c’est que les commerçants avaient parfaitement apprécié
les qualités ou les défauts qui caractérisaient telle ou telle race,
et que l’expérience leur avait appris qu’elles différaient totalement
l’une de l’autre.
Les Aradas (pays au nord-est du royaume d’Ardres dont il