CHAPITRE II
CONSEILS A L’EUROPÉEN.
Causerie familière sur la xie dans ces pays, les maladies les plus communes et
la façon d ’y apporter des soulagements en l’absence d’un médecin, la nourriture
et l’habitation à préférer. — Régime. — Équipement.
Il est possible que l’expérience que nous avons acquise dans
ces régions, au point de vue de l’existence matérielle de l’Européen,
soit de quelque utilité aux nouveaux venus dans le pays ou
à ceux qui ont l’intention de s’y rendre.
Le climat de tout le golfe de Bénin est, sinon meurtrier, du
moins contraire pour l’Européen. Cette humidité continuelle dans
laquelle il vit, ces miasmes qui se dégagent, sous les rayons du
soleil, des lagunes ou bords des cours d’eau et des marécages qui
couvrent la région du littoral, cette nourriture dépourvue de principes
fortifiants et enfin une chaleur accablante sont autant de
causes qui amènent en peu de temps, sinon toujours, des maladies
graves, du moins un affaiblissement général qui porte de
graves atteintes à la santé.
Dans ce pays, tout est précoce : l’indigène est vieux avant l’âge,
la végétation hâtée donne deux récoltes par an ' tout est accéléré,
poussé à outrance et, par conséquent, usé par ce fonctionnement
anormal.
L’organisme de l’Européen subit la même influence ; tout fonctionne
chez lui, tout est excité ; son pouls bat plus vite ; il est
dans un état de moiteur continuelle, qui l’affaiblit au début et,
plus tard, est le résultat même de cette faiblesse. Ses digestions
sont rapides et mal faites, et il ne profite pas de sa nourriture ;
toutes les sécrétions sont doublées ; la production de la bile dépasse
de beaucoup les besoins du fonctionnement normal de l’organisme,
et son amoncellement le prédispose à la fièvre. Au moral,
il devient irritable, venimeux, mauvaise langue, prend tout
et tout le monde en grippe. Il est rarement bien portant ; il a
toujours quelque chose à soigner, et cet état influe sur son caractère.
Le grand ennemi à combattre, c’est l’anémie ; ses premiers
symptômes n’apparaissent guère qu’après cinq ou six mois de séjour.
Sa peau perd la teinte rosée qu’il a apportée d’Europe ; il
devient jaune ; c’est ce que nous appelions, à la côte, citronner.
Ses oreilles prennent une teinte transparente et pâle, et cette dernière
particularité fait aisément distinguer, en Europe, ceux qui
reviennent des climats malsains.
Chacun doit payer, en arrivant, ce qu’on appelle le tribut au
climat ; ce sont les premières atteintes de la fièvre. Elle apparaît,
dans ces régions, généralement au bout d’un mois, rarement plus
tard que trois ou quatre. Le plus tôt est le mieux. Ceux qui ont la
fièvre tout de suite en arrivant la supportent beaucoup plus gaillardement,
car ils sont frais débarqués. Plus elle se fait attendre,
plus la fièvre est forte, car on va toujours s’anémiant et l’on a
moins de force de résister à ses atteintes.
Les vieux côtiers (Européens sur la côte depuis plusieurs
années), quand ils sont complètement anémiés, n’ont même plus
la force d’avoir la fièvre ; elle n ’apparaît, chez eux, que très rarement.
Les gens qui supportent le mieux ces climats sont ceux qui
sont secs et nerveux ; les gens sanguins et sujets à l’embonpoint
y souffrent beaucoup. On ne peut changer le climat, mais on
arrive, par une hygiène bien comprise, à mieux résister à ses
atteintes.
La mortalité, chez les Européens sur la côte, atteint en moyenne
le chiffre de 70 pour 100 ; il faut ajouter que l’intempérance entre
pour un tiers dans ce chiffre, ce qui réduit les décès causés par le
climat à peu près à 50 pour 100.
Dans ces régions, le moindre excès, la plus petite dérogation à
ses habitudes régulières se paye tôt ou tard. Il y a plusieurs
genres de fièvre, ou du moins divers degrés d’intensité dans la
maladie. 11 y a la fièvre ordinaire, l’accès bilieux, l’accès bilieux
hématique, l’accès pernicieux et plusieurs autres genres d’affections
qui ont toutes pour cause, à un degré plus ou moins prononcé,
le paludisme et l’insolation.
Nous ne parlerons que de la fièvre ordinaire, car, pour les
autres, si Ton n’a pas de médecin, il faut s’en rapporter à sa destinée.
Voici ses symptômes les plus communs :