tronomiques qui peuvent créer, dans votre nourriture, des changements
agréables.
L’agouti onpacca, en portugais, est un mets excellent. Le singe
rôti est très fin ; il faut avoir soin de ne pas le servir entier, car il
a l’apparence d’un enfant nouveau-né, et cela pourrait dégoûter
les estomacs délicats ; il faut toujours lui enlever la tête et les
mains. La queue du crocodile, à la daube aux carottes, est également
un plat appétissant. L’escargot du pays, un peu résistant,
demande une cuisson prolongée. L’iguane ressemble, à s’y méprendre,
au lapin, comme goût et chair. Le porc n’est sain et
mangeable qu’à condition de n’avoir que quelques semaines, ou
bien d’avoir été élevé par vous-même avec du maïs et de bonnes
choses. Les grosses sauterelles rôties sont très bonnes, elles ont
un goût prononcé de boutargue. Les mahométans mangent le
python, qu’ils trouvent délicieux. L’écureuil ou rat palmiste, le
rat d’amandes de palme, sont des aliments très agréables. Les
roussettes, énormes chauves-souris fructivores, qui choisissent
tout ce qu’il y a de meilleur comme fruits, sont, au dire des
Kroomen, des morceaux de roi ; il est fort possible que ce soit
vrai, même pour un palais européen, vu leur nourriture choisie.
Un capitaine de navire reçut un jour, d’un côtier loustic, à titre de
présent et sous le nom de dindes dit pays, trois buzards, sorte de
vautour auquel on a donné la distinction de dindon, à cause.de sa
ressemblance avec ce volatile ; il ne connaissait pas l’oiseau, le
mangea de confiance et le trouva délicieux. Nous ne conseillons
à personne d’en faire autant, car il ne se nourrit que de charognes.
Il y a une spécialité à créer dans le commerce, et celui qui l’essayerait
en tirerait de bons bénéfices : c’est la vente de provisions
et de légumes spécialement destinés aux Européens.
Dans les colonies en formation, la contrefaçon jouit de l’impunité,
aussi ne voit-on que des imitations partout : vins de Bordeaux,
de Bourgogne, de Champagne, liqueurs de fabrication allemande,
vendus sous l’étiquette de bonnes marques, qui ne sont,
pour la plupart* que des compositions que la chimie obtient à des
prix très modiques et qui se vendent, au prix des vraies marques,
pour l’exportation.
Pour l’exportation, c’est le grand mot ! Cela veut dire : pour
les nègres qui n’y connaissent rien, qui n’ont aucune notion de ce
qui est bon ou mauvais ; mais on ne songe pas qu’il y a des Européens
dans les colonies, qu’ils boivent ou mangent toutes ces
saletés, faute d’en avoir d’autres.
Toutes les fabriques de conserves alimentaires expédient ainsi
leurs rossignols, leurs fonds de magasin, dont le premier conseil
sanitaire venu déciderait la destruction immédiate. On a beau dire
que les boîtes de conserve sont destinées à se maintenir indéfiniment
en bon état ; il arrive un moment où elles ne peuvent plus
raisonnablement servir à l’alimentation ; nous voyons, dans notre
armée, condamner à chaque instant des conserves ayant plusieurs
années de date, à cause de leur ancienneté.
C’est justement à ce moment, où leur vente en Europe pourrait
causer l’intervention de l’administration sanitaire, qu’on en
fait des produits pour Vexportation.
Vous achetez des boîtes au fond convexe1, dont un gaz méphitique
s’échappe dès qu’on les perfore, d’autres qui détonnent.
Elles contiennent des viandes verdâtres, du homard en décomposition,
des légumes aigris ; on jette celles qui sont par trop avancées,
mais, malheureusement, on mange les autres. On consomme
des jambons trichinés, avec du salicylate sous le nom de bière.
Les Allemands et les Anglais importent des quantités de provisions
de ce genre.
Nous ne citerons le nom de personne, mais des maisons françaises
des plus respectables, de Nantes et de Bordeaux, expédient
ainsi à la côte des produits qu’elles ne pourraient vendre dans
leurs magasins, sous peine de perdre leur réputation. Mais c’est
pour les nègres ! Mais non ! les nègres ne mangent pas de conserves,
ou très peu, ceux qui sont civilisés. Ce sont les Européens
que vous empoisonnez ; ils ne regardent pas au prix pourtant.
On mange des aliments de ce genre et l’on boit des compositions
chimiques. Comment faire autrement ? Il n’y en a pas
d’autres. Ainsi, quand vous êtes invité à un dîner, à un banquet,
buvez le moins possible des liquides ; autrement, le lendemain,
vous en ressentirez invariablement les effets.
Si vous voulez de bonnes conserves, écrivez vous-même à une
maison spéciale, expliquez que c’est pour votre usage personnel ;
faites de même pour les boissons, mais n’achetez rien, si vous
pouvez, sur la côte.
1. Lorsqu’une boîte, est ainsi déformée, son contenu ne vaut plus rien ;
les fonds doivent être plats ; cette enflure provient de gaz qui sont à l’in té rieur.