Cette convulsion qui s’appelle le rire résulte d’un état d’esprit
tranquille, d’un physique sans douleur et d’un certain degré de
félicité, si petit qu’il soit ; la gaieté est au moins de l’insouciance,
si elle n’est pas de la joie. Nous sommes tous égaux, croyons-
nous, sous cè rapport ; ce sont des caractères physiologiques qui
appartiennent à ce que les naturalistes appellent le genre Homme.
Il faut donc forcément conclure que le noir est extrêmement
froid et indifférent. - La Dahomienne n’est pas attachée à son
enfant; le jour où elle le perd, elle regrette la somme de travail
qu il était en état de faire et la ressource que sa mort lui enlève,
voilà tout.
Mais revenons aux grands événements de la vie du Dahomien,
en particulier, et du noir de ces régions, en général.
Le mariage se fait sous deux régimes distincts : ou bien c’est la
femme qui apporte la dot ou c’est le mari. Le jeune homme fait,
sans aucune cérémonie, la demande au père de la jeune fille ou à
celui qui en tient lieu. La mère ne compte pas, la jeune fille em
core moins. C’est souvent entendu d’avance entre les deux jeunes
gens, mais dans aucun cas la demoiselle n’est consultée.
Le prétendu éprouve très rarement un refus ; on consent généralement
avec empressement à la demande qu’il fait, car c’est un
excellent débarras pour la famille. Les renseignements sont inutiles,
tout le monde se connaît.
Les hommes se marient à vingt ans environ et les femmes entre
onze et treize.
Si la jeune fille est trop jeune, on accorde la demande quand
même, mais ses parents la gardent jusqu’à ce qu’elle soit ên âge
d être mariée. Ils ne se gênent nullement, d’ailleurs, pour la
donner à un autre postulant s’il s’en présente, car les promesses
n’ont aucune valeur.
Si le mariage est, au contraire, possible, il est décidé tout de
suite ; on invite tous les parents et amis à la case du fiancé. Dans
les mariages où la femme n ’apporte rien, le futur époux envoie à
la jeune fille, le même jour, un ou deux pagnes avec lesquels elle
doit venir chez lui ; l’usage défend qu’elle emporte seulement un
morceau d étoffe de chez elle. On achète un mouton ou un chevreau
et beaucoup de tafia. Le repas est servi aux parents et amis ;
aucun d eux n a- manqué cette occasipn de se gaver, La gaieté
règne dans l’assemblée, surtout lorsque-, après le repas, on entame
les alcools. On passe dans la cour. Au grand air, au milieu d’un
cercle formé par les invités et au bruit de quelques instruments
accompagnés de chant, des amateurs des deux sexes exécutent
des danses de caractère.
La fiancée n’assiste ni au repas, ni aux réjouissances de ce jour-
là, pour se conformer à l’usage. Elle reste avec quelques amies et
on leur envoie à manger et à boire.
Lorsque l’alcool est absorbé, jamais avant, chacun regagne son
logis, avec une démarche en rapport avec la quantité qu’il en a
consommé; quelques-uns passent tout juste le pas de la porte,
afin de laisser les époux seuls chez eux, et tombent dans la rue.
Dans ce genre de mariage, musiciens, boissons et vivres, tout
est payé par le mari. Il tient soigneusement compte dans sa mémoire
de la moindre dépense, afin de se faire restituer la somme
par les parents si la femme manque à ses devoirs, fuit le domicile
conjugal ou provoque la séparation. Cette restitution n’a lieu que
lorsqu’il est reconnu que les torts sont du côté de l’épouse.
Quand c’est la famille de la femme qui paye les dépenses, les
choses se passent absolument de la même façon. En cas de désaccord,
c’est le mari qui rembourse la dot.
Ces restitutions sont très curieuses. La revendication tourne au
comique lorsque l’époux ou la famille, qui n’ont rien oublié, énumèrent,
dans une palabre 1 devant les autorités, toutes leurs dépenses,
jusqu’au dernier cauris.
Chez les Nagos et aux Popos, on se marie sous le régime de la
communauté réduite aux acquêts. Un inventaire est dressé dans
la mémoire infaillible de chacun des époux et, en cas de séparation,
chacun reprend ce qu’il a apporté. Ces sortes de mariages
n ’ont lieu que parmi les familles aisées.
Comme tous les peuples africains, les Dahomiens sont polygames.
Le nombre de femmes d’un noir est limité à ses moyens ;
d'un autre côté, plus il a de femmes qui travaillent, plus son
revenu est augmenté. Chacune d’elles se nourrit et lui rapporte,
sans lui coûter autre chose que les premières dépenses du
mariage.
Il y a peu de gens du peuple qui aient plus de deux ou trois
femmes. Les féticheurs en possèdent une dizaine, les chefs vingt
ou trente, le roi quatre ou cinq cents. Dans le pays, les femmes
sont au moins trois fois plus nombreuses que les hommes.
t . De palabra, parole, discours en portugais ; réunion, généralement
publique, de gens ayant à discuter sur un sujet quelconque.