du noir. Le féticheur se sert de la religion pour mettre les indigènes
en garde contre les tentations réformatrices ; il lui met au
coeur une méfiance injuste que les efforts de l’Européen mettent
bien longtemps à vaincre.
Trois religions diverses disputent au fétichisme une partie de
son influence sur le golfe de Guinée. Les missionnaires catholiques,
protestants et mahométans, luttent depuis bien longtemps contre
le culte barbare, et les résultats obtenus aujourd’hui, surtout par
les premiers, viennent à l’appui de ce que nous avançons.
En 1667, le seigneur du Casse, lieutenant général des armées
navales du roi, amenait, sur le vaisseau la Tempête, deux moines de
l’ordre des frères prêcheurs, qui commencèrent aussitôt, à Why-
dah, leur oeuvre philanthropique. Le père Labbat raconte qu’ils
avaient appris la langue et commençaient à prêcher en fon, lorsqu’une
révolte des féticheurs jaloux mit leur existence en danger
et les força à se réfugier dans le' palais du roi de Juda, qui
les prit sous sa protection. Malgré cela, l’un d’eux mourut empoisonné
peu de temps après, et l’autre fut contraint de quitter le
pays.
En 1697, d’autres missionnaires catholiques apparurent au Dahomey
et essayèrent d’y faire pénétrer leur religion. Ce furent des
Portugais appartenant aux ordres de Saint-Pierre et de Saint-
Augustin ; ils étaient venus de Saint-Thomé, où ils avaient fondé
une mission, pour essayer de s’établir à Whydah.
Le fétichisme était encore trop fort alors ; voyant leur impuissance,
ils se retirèrent.
A cette époque, il y avait déjà quelques catholiques à la Côte
d’Or.
Aujourd’hui, et depuis de longues années, la Société des missions
africaines de Lyon s’est établie sur la Côte des Esclaves. On
compte des stations de missionnaires à Agoué, Whydah, Porto-
Novo, Tocpo, Lagos, Abéokouta, Ohio.
Des soeurs partagent avec les missionnaires les soins qu’ils donnent
aux enfants que la mission élève. Tous font preuve du plus
grand dévouement à la cause de la religion.
Ce qui leur donne encore plus de mérite, c’est que leurs efforts
sont infructueux, surtout au Dahomey. En dehors des enfants des
Brésiliens ou d’Européens et de quelque malheureux qui fait baptiser
un enfant parce que la mission le secourra désormais, pas
un indigène adulte n’a été converti.
RELIGIONS.
Parmi ceux mêmes qui ont été élevés parla mission, il y a un
grand nombre d’hypocrites qui trompent les missionnaires ; ils ne
vont à la mission que pour extorquer quelque chose à la charité
des pères. Nous en connaissons beaucoup, qui, malgré leur religion
apparente, ne peuvent s’empêcher de faire fétiche chaque fois
qu’une grande circonstance se produit chez eux, maladie grave,
naissance, etc.
La tâche des missionnaires, si ingrate, n’est pas seule ; le climat
meurtrier de la Guinée fait parmi eux de nombreuses victimes ; les
cimetières sont peuplés de pères et de soeurs qui ont donné leur
vie pour les progrès de la religion.
A Lagos, à Abéokouta, à Ohio, ils n’ont guère plus de succès
en proportion de la population locale ; ils espèrent toujours être
plus heureux au fur et à mesure que le temps passe et que les indigènes
sont en contact avec la civilisation. Il faut souhaiter qu’ils
soient un jour payés de leur peine et de leur dévouement.
Les pasteurs protestants ont peut-être un peu plus de succès,
quoiqu’ils ne se donnent aucune peine et en prennent, selon le
système anglais, tout à fait à leur aise. Ils vivent avec leur femme
et leurs enfants, et, à chaque indisposition, ils vont se rétablir en
Europe.
G est aux mahométans que revient le triomphe. Les derviches
parcourent la contrée depuis bien plus longtemps que les autres
missionnaires ; ils voyagent continuellement, tandis que ceux-ci
n’exercent leur influence que sur le point où ils se trouvent. On
voit de ces propagateurs de l’islam venir à pied d’Egypte à chaque
instant, avec leur bâton et leur besace. Des milliers d’indigènes
sont aujourd’hui convertis au culte mahométan.
La moyenne du succès des trois religions est tout à fait disproportionnée
: sur 100 individus convertis, il y en a 5 catholiques,
16 protestants et 80 mahométans.
Si nous laissons toute autre considération pour nous mettre à
la place du noir et bien comprendre son caractère, cette différence
n’a rien d’anormal.
La religion catholique s’adresse purement au moral. Sévère
dans ses principes, elle semble impossible à l’homme non civilisé ;
ses dogmes, ses lois, ses croyances, demandent un esprit qui y
soit préparé. C’est une semence qu’on ne peut jeter, sous peine
de la perdre, dans un esprit inculte ; elle a des exigences qui
conviennent aux gens habitués aux freins de la civilisation. Mais