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Monnaie du pays. — Après la marchandise, il nous reste à parler
de la monnaie contre laquelle elle se vend. De temps immémorial
sur la côte de Guinée, on se sert, comme monnaie, d’un petit coquillage
univalve et convexe, à bords roulés en dedans, présentant
une ouverture longitudinale, étroite, bordée de dents des deux
côtés, d’un blanc jaunâtre en dessus, blanc en dessous. C’est la
porcelaine cauris (Cypræa monela).
On croit, à tort, que les cauris se trouvent dans le golfe de
Guinée1. Si cela était, le coquillage serait excessivement commun,
chacun serait libre de se procurer une grande fortune, et cette
monnaie aurait bientôt perdu sa valeur. Au contraire, il n ’existe
pas un cauris sur la côte occidentale d’Afrique (sauf peut-être ceux
qui tombent des navires qui les débarquent), et c’est ce qui en fait
le prix. On ne pêche le cauris que sur la côte orientale, depuis
Inhambane jusqu’à Zanzibar ; il n’aurait dans ces parages aucune
valeur, s’il n’était demandé pour la côte occidentale. On appelle
également le cauris monnaie de Guinée.
L’histoire de ce coquillage est assez intéressante. Disons d’abord
que son nom est d’origine purement hindoue ; on l’appelle kaounj2
dans cette langue. Les Portugais le nomment buzio ou bouji ; les
anciens voyageurs disent bouges.
Le cauris fut introduit pour la première fois dans les transactions
par les Malais. Ce furent eux aussi qui, les premiers, en firent
la découverte.
Marco Polo nous parle de la pêche de ce coquillage au treizième
siècle, dans son Livre des merveilles du monde. On y voit même
une miniature de Jean, duc de Berry, qui essaye de représenter
l’opération.
C’est dans les îles Maldives qu’on péchait le cauris en plus grande
quantité. On y employait le cocotier, paraît-il. La porcelaine cauris
recherchant les débris végétaux pour s’y fixer, et, de préférence,
ceux du cocotier, les indigènes coulaient des arbres entiers sur les
fonds où se trouvait le coquillage et ils les en retiraient, au bout
de quelques jours, chargés de cauris.
1. Un vieux voyageur français, qui en parle, Poyart, prétend qu’il est péché
dans les mers de l’Afrique occidentale. Plusieurs naturalistes croient à la
même provenance.
2. Albirouni, un des plus anciens auteurs arabes, qui écrivait en l’an 1030
de notre ère, en parle déjà.