
 
		texte  futile,  lui avait fait raser la tête  (ce qui est considéré comme  
 un  grand outrage  fait  à un blanc) et l’avait jeté  en  prison  jusqu’à  
 ce que  son bon plaisir décidât de la  fin de sa peine. 
 Francisco Félix da Souza était un homme intelligent et instruit;  
 il prit pour  ainsi dire  sous sa protection  le frère  du roi. 
 Guêzou voyait  de  son  côté  dans le Brésilien  un  auxiliaire puissant  
 en  même  temps  qu’un  ami  sincère,  et  ces  deux  hommes  
 firent pacte  d’amitié. 
 Au moment où les ministres  et les chefs formèrent contre Adonozan  
 le  complot qui devait le  détrôner,  ils  consultèrent secrètement  
 les  princes  du  sang pour  savoir  si l’héritier légal était  disposé  
 à prendre le pouvoir. 
 Aucun des trois aînés, dont c’était le droit,  si le premier y renonçait, 
   n’osa  accepter.  Détrôner  le  roi  était  un  sacrilège,  lui  succéder  
 était  une  sorte  d’usurpation  de  pouvoir  :  il  n ’y  avait  pas  
 encore droit tant  que le  souverain  était  en vie. D’un  autre côté, il  
 était défendu de répandre  son  sang.  Tous  eurent peur, dirent-ils,  
 d’attirer  sur  leur tête  des malheurs  sans nombre. 
 Restait  à  consulter  le  laboureur,  comme  le  roi  appelait  ironiquement  
 son  frère  cadet.  Guêzou,  dès  que  la  proposition  lui  fut  
 faite  de  succéder à  son  frère,  envoya  des  émissaires  à Francisco  
 da Souza pour lui  demander conseil ;  ce  dernier  s’était  évadé  de  
 prison peu  après la libération de  Guêzou,  et s’était réfugié à Petit-  
 Popo. 
 Le Brésilien  ne  demandait pas  mieux  que  de  se venger d’Adonozan  
 et entrevoyait d’autres horizons par l’avènement de  Guêzou  
 au  trône  du  Dahomey.  Il  lui  conseilla  d’accepter  à  n ’importe  
 quelle condition,  et  lui  envoya,  pour  faire  de  la  propagande, une  
 grosse  somme  en  marchandises. 
 Guêzou,  à l’aide  de  cadeaux et de  faveurs  sans  nombre,  commença  
 à se faire des partisans,  car,  au  Dahomey  comme  ailleurs,  
 on  ne  compte  des  amis que  lorsqu’on  a les  mains  pleines ;  il  se  
 fit peu à peu  connaître,  et  le bruit de  ses  agissements  arriva aux  
 oreilles  d’Adonozan, qui le  fit  espionner  et  l’espionna lui-même,  
 se  moquant  hautement et partout du  laboureur,  du  portefaix  qui  
 voulait  se distinguer,  disait-il. 
 La facilité  avec  laquelle  Guêzou  se  faisait  aimer,  la liberté que  
 lui laissaient les ministres  et les chefs,  dont  c’eût été le devoir de  
 s’opposer  à  toute  démonstration  de  ce  genre,  tous  ces  indices  
 eussent  été  faits  pour  donner à  réfléchir  à  un monarque  moins 
 aveuglé  de  sa  puissance  que  ne  l’était  Adonozan.  Il n’en  continuait  
 pas moins à  tyranniser ses  sujets  et à devenir  chaque  jour  
 plus impopulaire  et  plus détesté. 
 Le jour où  la  révolte  éclata,  au moment  où  le  peuple demanda  
 au  roi  son abdication,  les  chefs  s’avancèrent  et prirent  la parole : 
     Roi,  lui dirent-ils,  vous  êtes un  grand  guerrier ;  vous  avez 
 rendu à votre pays l’indépendance qu’il avait  perdue et nous vous  
 considérons  comme  le bienfaiteur  de  la  nation ;  mais vous  êtes  
 atteint d’une  maladie qui exige  que vous  vous  reposiez,  et,  pendant  
 que vous vous  soignerez,  nous  avons  choisi votre  frère  pour  
 régent. 
 —  Je ne  suis  pas malade,  répondit  énergiquement Adonozan;  
 c’est de la rébellion de votre part !  Gare à votre  tête, vous qui osez  
 venir  parler ainsi à  votre  roi ! 
 — Rébellion  ou non, vous  devez vous retirer.  Voyez,  le peuple  
 est  sur  le point de  commettre un crime  encore  plus  grand ;  dans  
 un instant, ni vous, ni nous, ne pourrons  l’empêcher de vous  tuer,  
 si vous n’obéissez à votre tour à ce qu’il  désire;  retirez-vous. 
 Le roi  comprit qu’il  était  seul  contre l’opinion  publique,  et en  
 voyant ce peuple exaspéré,  qui n ’attendait qu’un prétexte  pour  le  
 massacrer, il répondit qu’il abdiquait  et laissait la place à son  successeur  
 (1808). 
 Guêzou fut proclamé immédiatement, et Adonozan se retira dans  
 une  ville  voisine  avec  ses  femmes,  ses  enfants  et ses  serviteurs. 
 Règne de  Guêzou,  de  1808  à 1858. 
 Les  chachas  de Whydah  e t  leur  rôle  politique. 
 Nous voici au  règne de Guêzou, où  d’autres  personnages  viendront  
 se mêler au cours de  notre  histoire ;  son époque forme avec  
 celles  d’Aho  et  d’Agadja  les trois points  saillants de  l’historique  
 du Dahomey. 
 Au temps  de Guêzou,  l’influence  de  la  civilisation  d’outre-mer  
 commençait  à  se  faire  sentir,  et,  chez  un  homme  comme  lui,  
 elle  ne  pouvait  que porter  ses  fruits.  Nous  ne  voulons  pas  dire  
 que,  sous  son  règne,  les  lettres  et  les  arts  prospérèrent,  mais  
 enfin  on  peut  remarquer  à  son  époque  un  grand  progrès  dans  
 les  idées. 
 La rade  de Juda, que nous  appellerons désormais Whydah, était  
 fréquentée  constamment  par  des  navires  de  toutes  nations;  le