et surtout d’apprendre à les prononcer facilement, car la prononciation
et surtout l’intonation sont tout dans leur langue ; le
meilleur nago, parlé avec l’accent parisien ou lyonnais, est non
seulement incompréhensible, mais risible.
Nous avons souvent vu des Européens prendre la grammaire
nago dont nous parlions et essayer d’y apprendre des phrases ;
ils s’arrêtent bientôt découragés, personne ne les comprend.
Nous-même, nous avons parlé la langue du pays aussi couramment
que les indigènes ; nous nous sommes passé d’interprète
dans n ’importe quelle occasion, pendant des années, et nous ne
comprenons pas un mot du journal nago avec ses expressions
hors d’usage, ses locutions inconnues. Pourtant, au Yorouba et
à Lagos, nous nous faisions comprendre comme ailleurs.
Non, voici des mots usuels, faites les phrases vous-même ;
remarquez la façon dont les indigènes prononcent ces. mots et
imitez leur intonation, c’est le point important ; et, si vous avez
de la mémoire, ce ne sera pas difficile. Notez la façon dont les
indigènes font leurs phrases, répétez comme eux; parlez le plus
souvent possible, ne vous découragez pas et vous vous ferez
bientôt comprendre : c’est l’essentiel.
Au début, ne vous occupez que des mots principaux ; les conjonctions,
les adverbes, viendront après. Il est difficile, par écrit,
de donner exactement la prononciation. Néanmoins, nous avons
adopté quelques signes conventionnels, que voici, avec les principales
règles pour la construction des phrases.
Il sera bon d’écrire chaque jour une dizaine de mots, les plus
nécessaires, et de les apprendre par coeur ; on aura vite ainsi les
expressions nécessaires pour une petite conversation.
SIGSES CONVENTIONNELS DE PRONONCIATION.
L’accent circonflexe sur une voyelle indiquera qu’il faut la tra în e r beaucoup,
allonger sa prononciation. Exemple : ôlcou, bonjour, qui doit se prononcer
comme s’il y avait ooookou.
L’accent grave est pour faire ouvrir la voyelle sur laquelle il est placé
avec exagération, sans pour cela la traîner. Exemple : émi fè, je veux ;
prononcez comme s’il y avait féai (c’est l’é ouvert italien : •perché).
L h, dans un mot, sera toujours aspiré, comme dans Hanovre, heurter, etc.
Exemple : Dahomey.
Les doubles consonnes, c’est-à-dire celles qui doivent se faire sentir longtemps,
seront séparées p a r un tra it d’union. Exemple ; en-ni, natte, à prononcer
comme ennni.
Toutes les lettres d’un mot devront être prononcées avec attention, le gb
dans gbd, recevoir, comme s’il y avait guebâa; mais les deux consonnes
doivent être prononcées presque ensemble.
Nk suit la même règle ; nko, aussi, également, alors selon les cas, comme
s’il y avait ennko.
h'r doit être doux et roulé avec la langue comme en italien, et non râclé
comme en français avec le gosier. L'in doit être toujours prononcé inné et
non ain.
RÈGLES GÉNÉRALES.
Le verbe ne change à aucune personne du présent ; il reste comme à l’infinitif.
Au passé, il est précédé d'oti, particule invariable à toutes les personnes
et, au futur, ne se distingue que par l’intonation.
Exemple : Infinitif, tchoubou, tomber, à toutes les persounes. P assé, oti-
tchoubou, à toutes les personnes*.
Le genre n ’existe pas en nago : frère se dit abourou okouni, frère homme ;
soeur, abourou obini, frère femme. La vache s’appelle obini màlou, femme
boeuf. Lui ou elle se dit oun..
Les pronoms les plus usités sont les trois personnes du singulier et la première
du pluriel : émi, moi ; devant le verbe, on dit simplement mo au lieu
d'émi. Exemples : mo fê ou émi fé, je veux ; ouà, toi ou vous ; oun, Jui ou
elle ou ils ; aoua, nous.
La négation du verbe consiste à le faire précéder de la lettre o ou de ko,
qui est une dérivation du mot kitché, qui signifie pas.
Au présent*: mo là, je vais; emi o là, je ne vais pas (ou emi ko là).
Au passé, motilà, je suis allé; emi otilà, je ne suis pas allé (ou emi ko tilô).
Tout le monde a entendu ou lu comment les noirs expriment leur pensée
dans nos langues ; on appelle cela p a rle r p tit nèg, en français, e t pigeon-
enjjlish, en anglais.
Ils disent : « Moi vouloir aller avec toi, toi pas parler, lui pas comprendre,
lui pas aller, nous dire cela, etc. »
Cette formule est la traduction littérale de leur langue ; c’est comme cela
qu’ils parlent dans tous leurs idiomes, pauvres en général.
Il faut donc faire comme eux et décomposer ainsi ses phrases ; p a r exemple,
au lieu de dire : « J’ai vu to n boeuf aller manger à côté de ma maison, »
il faut modifier : « Moi vu le boeuf de toi aller manger à côté de la maison
de moi. »
D’après les règles qui précèdent, il faut composer sa phrase de la façon
suivante: le pronom unique, le verbe à l’infinitif, le reste de la proposition
avec l’inversion que nous mentionnons ci-dessus (s’il y a lieu). *
Si l’on veut dire : Je ne sais pas où il va, on n ’a qu’à chercher chacun des
mots dans le, vocabulaire, dans le même ordre :
Moi pas savoir où lui aller.
Émi omou nibo oun là.
Et l’on fera ainsi des phrases trè s claires ; plus tard , la perfection viendra,
c’est-à-dire les petites modifications qui ont lieu dans le langage courant.
Il faut éviter de se presser en p arlant ; les indigènes traînent et l’on ne se
fait comprendre qu’en les imitant.