II
APERÇU SUR LA COTE DE GUINÉE.
Lagos. Abéokouta. — Les Popos. — La Côte d'Or. — Grand-Bassam.
Assinie. — Côte de Krou. — République de Libéria. — Sierra-Leone.
Nous avons souvent cité ces noms dans le cours de notre étude sur le
Dahomey ; il sera peut-être intéressant de connaître les parties les plus saillantes
de leur histoire. Ce qui suit est un aperçu très succinct, un résumé de
nos voyages dont le récit détaillé ne pourrait trouver place dans cet ouvrage.
Cet aperçu donnera au lecteur une idée générale des pays voisins
du Dahomey.
Lagos.
La colonie anglaise de Lagos débuta en 1861. Le roi de Lagos, Docemo,
céda son pays aux Anglais, alors qu’il ne pouvait plus faire autrement,
moyennant une pension annuelle de 1000 livres sterling.
Situé su r une ile au milieu de la lagune, il communique avec la mer et
possède un p o rt naturel où peuvent en tre r les navires de petit tonnage. Il
est à la sortie de la lagune de Porto-Novo, dans laquelle se je tten t le Whémé,
Addo, 1 Agôun, de la lagune du Léké qui reçoit l’Ochoun et apporte tous
les produits de la région du Yorouba et du Jebou. Sa situation est exceptionnellement
avantageuse, aussi son commerce est-il considérable. Sa population
se compose environ de 60 à 70 000 habitants indigènes, 1300 Sierra-
Leonais et 200 à 260 Européens.
C’est p a r Lagos que passent les exportations d’une partie du commerce
de Porto-Novo.
La colonie de Lagos progresse assez lentement en ce qui concerne l’embellissement
de la ville ; les rues sont bordées de chaumières misérables ou
de maisons mal faites. Sauf une ou deux belles factoreries, la mission, l ’église
catholique et protestante, il n ’y a rien qui vaille la peine d’être cité.
Il existe, de l’autre côté de la lagune, en face de Lagos, à Ebouté-Méta,
un jardin botanique qui sera trè s beau dans quelques années.
Autour de Lagos, sur la plage, se trouvent des séjours où l’on va passer la
belle saison et prendre des bains de mer. Une route, qui doit être terminée
actuellement, conduit à la plage.
La colonie de Lagos comprend les. établissements de Badagry, Palma et
Léké. Jusqu’en 1886, elle s’administra séparément; elle fut réunie, à cette
époque, à la Côte d’Or, puis isolée de nouveau. Depuis plusieurs années,
elle rembourse à la métropole les frais des premières années d’établissement.
Elle est administrée p ar un gouverneur. Position géographique,
environ 6°2S' de latitude nord et 1°17'20" de longitude est de Paris.
Abéokouta.
Le royaume d’Abéokouta est situé au nord-est de celui de Porto-Novo,
et au nord-ouest de la colonie de Lagos ; il fait géographiquement partie du
Morouba, mais ses habitants, les Egbas, ont formé un État à part.
Le pays d’Abéokouta, enn ag o Unitokô, est situé vers 7° 8'15" de latitude
est, et 1°24'15" de longitude est, à quatre jours de voyage de Lagos p a r te r r e
ou p a r la lagune en remontant l’Ogoun.
L’État d’Abéokouta se subdivise en sept royaumes ou principautés, comp
renant une quinzaine de villages groupés autour d ’un point principal qui
en est le chef-lieu. La ville d’Abéokouta, dont nous avons déjà cité la situation
avantageuse pour soutenir un siège, est bâtie au milieu d’énormes blocs de
granit arrondis, d’où elle tire son nom (a gbé, elle demeure sur ; okoutci,
pierres).
La forme de gouvernement, sous le nom d’une monarchie, est, de fait,
une république.
Loin d’être aussi puissant que ceux de Dahomey, de Porto-Novo ou des
Achantis, le r-oi d’Abéokouta est, au contraire, un mannequin que les gouvernants
font mouvoir à leur façon ; il ne peut rien ten te r lui-même, et le
moindre de ses actes est sous leur contrôle exclusif. Ils ont le droit de le
nommer ou de le démettre, de le tu e r même au besoin.
Chose étrange que cette contradiction absolue dans les usages chez deux
peuples limitrophes : au Dahomey, le roi tout-puissant; à Abéokouta, une
nullité.
Les maîtres d’Abéokouta, les gouvernants, sont les Ogbonis. Les Ogbonis
forment une secte mi-religieuse, mi-laïque, trè s puissante. Les règlements
sévères qui les régissent, le.secret de leurs réunions, les épreuves diverses
qu’il faut subir pour faire partie dé leur ordre, font des Ogbonis une confrérie
unie et redoutable, offrant tous les caractères de la franc-maçonnerie.
Les Ogbonis, comme leur nom le dit en nago, sont tous des gens âgés;
en plus de leurs fonctions gouvernementales, ils remplissent une foule d’offices
où il y a quelque chose à gagner ou à extorquer au peuple. Us exploitent
également la crédulité publique ta n t qu’ils peuvent et chaque fois qu’ils
en trouvent l’occasion. Ils choisissent le roi à l’unanimité et le nomment
eux-mêmes; aux yeux du peuple, le monarque est tout-puissant, et les
Ogbonis s’effacent, laissant ignorer la plus grande partie du fonctionnement
gouvernemental.
Il arrive souvent que le roi oublie que l’oeil des Ogbonis e st fixé su r lui,
et il sort de ses attributions commettant des abus de pouvoir. Si la moindre
plainte s’élève parmi le peuple, une députation des Ogbonis arrive un beau
matin, et lui enjoint d'aller dormir, ce qui signifie qu’il doit s’empoisonner.
Cette sentence est irrévocable ; elle est le résultât d ’une décision unanime