Les alcools sont, avec les tissus, la base du commerce du Bénin;
les maisons françaises en ont la spécialité.
Le tafia (alcool coupé) est devenu, aujourd’hui, aussi indispensable
au noir que sa nourriture ; c’est dire qu’il ne peut s en passer,
et que la vente des alcools n’arrête jamais.
Pour donner une idée de l’importance de ces liquides sur le
marché, nous pouvons jeter un coup d’oeil sur ce qui se vend seulement
à Porto-Novo, et nous arrivons aux chiffres de 490000 litres
de tafia et 200000 litres de genièvre par mois, au minimum, soit
en tout 690000 litres d’alcool.
L’alcool arrive à la côte dans de grosses futailles ; le genièvre,
en caisse de 42 bouteilles. Le tabac atteint une vente de 80 à
400 tonnes par mois, de Lagos à la Côte d’Or exclusivement. La
poudre se vend en barils de toutes les tailles, depuis 2 jusqu’à
8 kilogrammes, selon les endroits ; c’est de la poudre à gros
grains. Le sel gros se vend en grande quantité aux Popos, d’où il
s’écoule dans l’intérieur par Ja rivière d’Agomé, chez des peuples
qui le prisent énormément ; le sel fin est seul en usage dans les
autres parties du littoral.
Tels sont les seuls articles fondamentaux du commerce de la
région. La France ne joue malheureusement pas un grand rôle
dans leur exportation.
Les tissus viennent de Manchester, d’Allemagne et de Suisse ;
les alcools, d’Allemagne ; le tabac, d’Allemagne ou d’Amérique ;
la poudre, en grande partie d’Allemagne. Nous n’exportons que
quelques vins, quelques liqueurs, un tiers environ de la poudre
vendue (de Saint-Chamas), un peu de sel. La Sardaigne en fournit
aussi.
11 ne vaut pas la peine de parler des quelques articles de bonneterie,
quincaillerie, verroterie, cristaux, etc., que nous exportons
également, parce qu’ils n ’ont, sur le marché, aucune importance.
Comme nous l’avons dit, les transactions contre espèces sont
aujourd’hui celles qui priment ; la vieille troque est morte ou agonise.
On s’y maintient encore dans quelques maisons, par une
routine qui date d’autrefois ; mais elle n’existe plus ni à Lagos, ni
aux Popos, ni à la Côte d’Or.
Les Allemands ont été les premiers à introduire ce genre de
transactions. Il demande un capital beaucoup moins important
que celui que représentent les énormes stocks de marchandises
destinées à la troque, dormant dans des magasins, et est en
même temps beaucoup plus simple. A cela il faut ajouter qu’il
offre un bénéfice plus élevé que la troque quand celle-ci est grevée
de tous les frais,1 coulages, bris, déchet, fret, pertes, etc., qui
en sont la conséquence inévitable.
Les Allemands reçoivent de l’argent d’Europe ou en encaissent
par la vente de leurs marchandises et le transforment immédiatement
en produits, qui partent aussitôt.
Le capital travaille ainsi continuellement et passe plusieurs fois
dans les transactions d’une année ; il revient aussitôt qu’il arrive
en Europe, sous forme d’espèces ou de marchandises, et le petit
intérêt qu’il rapporte chaque fois se totalise et souvent dépasse le
bénéfice annuel unique que rapporte la troque, mais qui nécessite,
d’un autre côté, un capital dormant qui n’est permis qu’aux
fortes maisons.
Les frais du commerce, dans ces régions, s’élèvent à des sommes
exorbitantes ; les déchets, les pertes sèches, viennent les grossir
encore. Depuis quelques mois, des droits de douane sont venus
remplacer, avec usure, les impositions modestes que percevaient
les autorités indigènes.
En somme, le commerce d’aujourd’hui sur la côte occidentale
d’Afrique n’est pas plus lucratif que celui qu’on fait ailleurs, en
Europe, par exemple ; il est, pour les négociants qui s’y livrent,
une source de plus d’activité et d’extension dans les affaires ; il
donne de l’écoulement aux produits de l’industrie européenne,
mais il n’offre plus ce qu'on est en droit d’attendre des risques
et du 'souci que donnent ces transactions lointaines. De plus, il
coûte la vie et la santé à bien des gens, et ceux qui s’expatrient
aujourd’hui n’y trouvent pas plus d’avantage qu’à rester chez eux.
Les maisons françaises, qui sont les doyennes dans la région,
ne restent plus aujourd’hui sur la côte que par amour-propre
national ou à peu près ; elles ont des établissements anciens et
elles continuent à y représentér le commerce français ; mais aujourd’hui,
il ne vaudrait plus la peine d’exposer les capitaux que
leurs comptoirs représentent, tant par leur établissement que ce
qu’ils ont coûté depuis leur création.
L’activité des affaires varie chaque année, suivant la récolte qui
est plus ou moins abondante, l’encombrement du marché ou ses
besoins, et lès événements politiques qui ont une désastreuse
influence sur leurs résultats.
En 4889-1890 on s’est beaucoup ressenti, dans le commerce