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 le  fauteuil,  le  tabouret,  la pipe,  le  parasol,  etc. 
 Tous  les ministres  sont payés  de  façon  à avoir  juste  de  quoi  
 vivre. 
 L’administration  subalterne  est  confiée  à  des  cabéçaires,  qui  
 prennent le  titre d'agorigans1,  parce  qu’ils  résident  dans  chaque  
 ville,  à  la  gore.  La  gore est une  réunion  de  cases  plus  ou moins  
 grande,  selon l’importance de la ville,  entourée d’un mur ou d’une  
 palissade  ;  ses  affectations  diverses  sont  le  commissariat  de  
 police,  le violon,  la perception des contributions ; un grand espace  
 est réservé  aux  palabres,  et  le logement  des  cabéçaires,  de  leurs  
 femmes  et  de  leurs  esclaves.  Les  agorigans  sont  au nombre  de  
 deux,  trois,  cinq  ou  six,  selon  l’importance de  la  localité ;  le plus  
 ancien  prend  le  titre  de  premier agorigan ;  il  est  le maire de  la  
 ville. 
 La venue des  Européens  a  créé  les fonctions de yévogan  (chef  
 des blancs),  parce que ces  cabéçaires  ont  pour mission spéciale de  
 s’occuper d’eux  et de  se mêler de leurs  affaires,, sans qu’on le  leur  
 demande. Le yévogan a le pas  sur l’agorigan. 
 Il  y  avait, du  moins  jusqu’en  1890,  trois  yévogans  :  celui  de  
 Whydah,  et ceux  de Godomé et Kotonou. Le premier était  le  plus  
 important et commandait aux  autres. C’étaient les trois principales  
 villes  du  Dahomey,  où les  blancs  résidaient.  Malgré  l’occupation  
 française  à Kotonou,  depuis  1885, le yévogan avait été maintenu. 
 Yévogans et agorigans sont encore moins payés que les ministres,  
 ce qui n’est pas peu dire.  Ils  sont obligés,  pour vivre,  de prélever  
 sur les  habitants  des  impôts  particuliers ;  ils  ajoutent  à  cela  les  
 cadeaux qu’ils  extorquent à chaque instant aux Européens. A Kotonou, 
  oùle village n’avait aucune importance,  les  agorigans étaient  
 littéralement  dans  la misère  et  vivaient  de  la pêche  des Minahs,  
 employés par les  commerçants pour le  travail de  la barre. 
 Le  personnel  des  gores  se  compose  d’esclaves  appartenant  
 à l’administration  et  aux  cabéçaires ;  on les  appelle  des moços  2 ;  
 ce  sont les agents de police, ils  sont chargés de  l’exécution  des ordres  
 des  agorigans, des arrestations,  saisies,  etc. ;  ce sont eux  qui  
 font  la police  et  perçoivent les impôts. 
 La  police dahomienne est unique  en  son genre ;  ses  renseignements, 
   son  service,  se  font  avec une  exactitude merveilleuse ;  il 
 1.  Agori,  la gore ou  palais de justice ;  gan,  grand,  chef. 
 2.  En Portugais,  moço  signifie jeune  homme  ou  employé. 
 n’est pas un détail qui  lui échappe. Le Dahomien est né diplomate  
 et policier. 
 Les  faits  et  gestes  de  chacun  des  habitants  sont  connus  à la  
 gore,  et il ne  se passe rien dont les autorités  locales ne  soient prévenues  
 en  quelques minutes.  Les moços  de  la gore  sont mélangés  
 à la foulé,  sur les marchés,  parcourentles rues,  et se trouvent  
 partout,  toujours comme par hasard. Outre  ce personnel déjà nombreux, 
   il existe  une  foule de gens  qui,  pour  gagner  les  bonnes  
 grâces de  la gore,  les tiennent au courant de tout  ce  qu’ils voient. 
 Si quelque  chose  d’anormal semble passer inaperçu,  c’est parce  
 que les autorités le' veulent bien ;  lorsqu’elles le désirent, le voleur,  
 quelles  que  soient  ses  ruses,  est arrêté  dans  le  royaume  avant  
 quarante-huit heures. 
 Malheureusement,  les  autorités  partagent  souvent  le  fruit  du  
 vol,  sous  forme  d’un  cadeau  que  leur offre  le  voleur,  et  dans  ep  
 cas,  au lieu d’être pris,  iljoüit de l’impunité. Si on les force à cons.  
 tater  l’évidence  et  qu’elles  Soient  obligées  d’agir  à  l’égard  du  
 coupable,  elles  ne  font  que le punir d’une façon insignifiante, afin  
 de  donner  satisfaction  au  plaignant  et  d’éviter  des  plaintes  qui  
 pourraient parvenir en haut lieu contre leur administration. 
 Cette partialité,  se  constate  presque toujours  dans  les  palabres  
 indigènes  l’une des parties  n’a gain de cause  qu!en  raison de la  
 façon  dont elle  a préalablement graissé  la patte  aux agorkans ;  le  
 pauvre,  là commejtiüeurs,*a  toujours  tort contre  le  riche;! 
 Cette  façon de  rendre  lcf justice  donne  inévitablement* lieu  à  
 des abus. Ceux qui  sont  frustrés  injustement se  font justice  eux-  
 mêmes,  et causent  ainsi leur propre perte. 
 S’il  y  a  une  indemnité  à payer,  ou un  remboursement,  celui  
 qui  doit  en  bénéficier  doit  le  tiers  du  montant aux  agorigans,  et  
 le  reste est  encore rogné  pour  payer des  frais  imaginaires.  Il  est  
 bien heureux quand on lui  laisse  la moitié.  Dans  le  cas  où  le débiteur  
 ne reconnaît pas une  dette,  ce  qui arrive  fort  souvent dans  
 ce pays  où la bonne  foi est presque chose  inconnue,  le  créancier  
 doit trouver des  témoins qui prêtent  serment à l’appui  de  sa  déclaration. 
   Ces  témoins  s’achètent,  et  le  débiteur déloyal,  aussi  
 bien que  le  créancier,  a le droit d’en faire comparaître. Les  déclarations  
 des parties sont ainsi balancées,  et ce ne sont toujours que  
 des cadeauxvaux cabeçaires qui  décident du différend. 
 En  somme,  la décision  de  la  justice,  dans  les  petites  affaires  
 jugées  par  la  gore,  se  règle  sur  les  moyens  qu’ont  les  parties 
 BIBL.  DE  l ’e XPLOR.  I II . *