l’homme sauvage, même après une petite préparation, ne la comprend
pas; de plus, elle renverse ses habitudes, ses moeurs :
en un mot, elle s’adresse aux gens instruits, si peu que ce soit;
lui, ne l’est pas.
L’islam, au contraire, parle aux sens et leur fait mille promesses;
il traite de la vie matérielle, tandis que le christianisme
ne pense qu’à l’âme. Le noir est polygame; l’islam permet la
polygamie. Il contient mille principes de cette existence asiatique
et indolente et des moeurs qui s’y rattachent, auxquelles le noir se
sent naturellement porté. Il écoute les promesses du derviche et
se sent enclin à la conversion, tandis que la morale du père lui
fait peur et qu’il s’en défie sans la comprendre.
Tout le Yorouba, le Aoussa, le Niger, le sud de la Gambie, le
Mandingue, sont aujourd’hui peuplés de mahométans, tandis que
l’on compte aisément les quelques catholiques.
La civilisation n’a qu’un moyen unique de faire disparaître le
fétichisme : c’est de le supprimer en rasant ses temples, détruisant
ses idoles et exilant ses chefs, leur famille et tout ce qui s’y rattache.
De plus, elle devra mettre l’exercice de cette religion au
nombre des crimes punis par la loi. La religion catholique aura
alors le champ libre et un succès assuré.
CHAPITRE IX
CARACTÈRES MORAUX.
Rapport des sexes entre eux. — Rapports des noirs entre eux comme compatriotes
ou voisins. — Formules de politesse. — Rapports avec les étrangers
et les Européens en général. — Jeux et arts d’agrément. — Chants, danses,
instruments de musique. — Bonneteau et prestidigitation. -¡¡¡Les conteurs et
leurs fables. — Guerre et paix. — L’armée dahomienne, son origine, sa formation,
ses grandes expéditions.
S’il y a quelque chose à dire à l’avantage du noir, c’est, à coup
sûr, en ce qui concerne ses moeurs et ses rapports avec les siens.
Les unions, même au dernier degré de consanguinité, ne sont
pas en usage chez lui ; les mariages ont toujours lieu entre deux
familles n ’ayant ensemble aucune parenté.
Dans la famille, malgré la promiscuité causée par la petite dimension
de l’habitation, il règne un grand respect entre les différents
membres. On ne voit jamais ni on n’entend pas que le noir
commette chez lui ou dehors aucun acte que la morale réprouve.
Dès qu’il a un enfant, le nègre laisse complètement la mère
aux soins qu’il réclame ; pendant les trois ans que dure l’allaitement,
il n’a plus avec elle que les rapports d’un voisin obligeant,
et elle se consacre entièrement à son rejeton.
Les femmes d’un mari commun ne montrent pas entre elles
cette jalousie particulière aux peuples monogames ; elles vivent
généralement en bons rapports et celles qui n’ont pas d’enfants
prennent soin de ceux des autres comme s’ils leur appartenaient.
Quand deux noirs se rencontrent dans la rue, il est, pour eux,
d usage d échanger quelques marques d’intérêt réciproque, non
par amitié, mais parce que c’est une coutume. Ils parlent sans
discontinuer, quelquefois pendant plusieurs minutes, se demandant
l’un à l’autre des nouvelles de ce qui les intéresse. Le dialogue
suivant s’échange presque invariablement : « Bonjour,