
ouvrir en entier, ou pour ne pas trop refroi-
dir la chambre, on y fait de petits guichets.
A mefure donc que je marchois dans les rues,
je voyois les guichets s ’ouvrir, & deux ou
trois têtes à la fois fe montroient dans ces
cadres à la façon dont Hogart en a rafîemblé
quelquefois dans des tableaux comiques :
Mais combien ceux-ci étoient-ils loin de res-
fembler à la compagnie des Undertakers ! Rien
ne fentoit - là les funérailles : toutes ces pby7
lionomies étoient fraîches, gaies & naïves;
& fouvent, arrêté par ces tableaux, je les
voyois s’animer par le fourire, & je pouvois
en jouir un moment, fans que la mauvaifç
honte les fît éclipfer.
Pour embraffer d’un coup d’oeil toute la
Ville de Claujihalt je fortis vers une hauteur
qui la domine. Je -diftinguai de là qu’elle
étoit bâtie fur deux Collines contiguës , &
qu’elle pouiïoit de longs rameaux de divers
côtés. En fuivant l’un de ces rameaux, qui
s’étend au fond d’une des Vallées, je vis qu’il
s’élevoit fur une troifîême Colline , & que
s’élargiflant de nouveau, il y formoit une
Ville diitin&e, marquée par fes Edifices publies.
C’eil Zellerfeld, autre Ville de mines
, appartenante en commun au Roi & au
Duc de Brunswick. Rien n’eit plus extraordij
¿inaire que le coup d’oeil commun dé ce»
deux Villes, pofces fur un tapis verd que des
bois de fapin bordent de toute parc. On ap-
perçoic çà & là comme de grandes taupinières
qui interrompent cette verdure. Ce font
les entrées des Mines, & leurs balles ou monceaux
de décombres. On voit auprès, les Bâ-
timens qui renferment les Machines, & l’on
découvre tout le méchanisme qui les met en
jeu. Les eaux, foigneufement railemblées,
viennent couler dans un lit commun, o ù ,
de chûte en chûce, elles fervent à faire
tourner des roues, qui par leurs manivelles
font aller & venir alternativement des
bras accouplés. Mais quels bras ! Partant
du fond d’un Vallon , & parcourant des
centaines de Toifes, ils s’élèvent jüsques dans
ces bâtimens , & y portent le mouvement
de l’eau aux machines ; comme les tendons
diilribuent dans notre corps, celui de quelque
chofe qu’on nomme les efprits animaux.
Si Clauftbal & Zeïlerfeld font ainfi environnés
d’une gazonade presque nue, ce n’efl: pas
que les arbres ne pu fient s’y nourrir, ou que
le foleil n’y aît jamais aflez de force pour
faire defîrer l’ombrage. Les habitans fans
doute ont préféré d’avoir tout autour d’eux
des prairies & des pâturages pour leurs bestiaux