
Jês® chacun fait qu’elles ne tiennent pas aux
tempéramens les plus forts. Ces hommes que
je nomme délicats, quant à la faculté de travailler
pour leur fuhfiftance, de fe contenter
de peu, de réfifter aux injures de l’a ir , fe
font pour ainfi dire triés des autres ; & par
leur induitrie on leur force corporelle, ils
fe font fait nourrir fous toute forte de forme
& par toute forte de moyen : c’eff par eux
en un mot qu’on a eu des cultivateurs qui
travaillent la terre pour d’autres que pour
eux-mêmes.
Cette claife d’hommes n’exifie donc, que
par les motifs qu’elle a fçu donner aux laboureurs
pour leur faire pouffer la culture au
delà de leur befoin propre. Les uns fe font
emparés du terrein ; & en le protégeant en-
fuite contre d’autres invaiions par leur forc
e , ont montré l’aspeél de la fureté fur leurs
T e r r e s Les .autres ont affuré les moyens de
terminer les q u e re lle s en étabiiffant des Ju-
risdictions. D ’autres ont bâti des mai-
fon s, ont fait des habits, ont entrepris dé
conferver ou de rendre^ la fanté. D ’autres
enfin, fous toute forte de fo rm e , ont inventé
des plaifirs pour les poffeffeurs des terres
& pour ceux qui les cultivoient. Du
tout enfemble eft née l’émulation du laboureur
; & par elle fe conferve cette claffe
d’hommes qui ne cultive point; plus nom-
treufe elle feule que ne feroit l’espèce fans
Bcet arrangement. Et quand enfin il a été
■ établi que’ perfonne ne devoit mourir pour
|caufe d’impuiffance de cultiver la terre, on
f a fauvé même les foibîes de tout point, par
* ces établiffemens charitables qui font tant
d’honneur à l’humanité.
Puis donc qu’il faut que le Cultivateur aît
| des motifs puiffans pour l’engager à ce fur- I plus de travail qui multiplie fa propre
* claffe & fait naître tous ces hommes qui
I doivent vivre par elle, pourquoi ne l’y exciterions
nous pas en partie par fon propre
plaifir? Il y a , par exemple, un très grand
nombre de gens dans certains Cantons d’Âli
lemagne, qui ne vivent que parce que les
S Payfans y aiment le pain d’épices, non eom-
! me aliment, mais pour fe procurer de tems
: en tems la fenfation qu’il caufe au palais.
I I Vaudroit-il mieux que les Payfans n’euffent-
| pas ce goû t, & que tous ces gens-là mou-
! ruffent?
Il en eff de même de quantité d’autres
goûts innocents , ceux par exemple de la
I propreté dans leur habillement & dans leur
I demeure. O r , comme je l’ai dit d’entrée,
Tome l i t . D dès