
Les progrès marqués que font ces .Bruyères
vers l’état fixe de la plupart des antres pays,
où les traces du paiTé s’effacent, les rendent
dignes de la plus grande attention. ' V . M.-
voudra bien me permettre une comparaifon,
fort au - deffous du fu je t, mais qui me fernble
propre à exprimer mon idée.
L e jeune cheval a dans quelques-unes de
fes dents une cavité qui lert pendant un certain
tems à marquer fou â g e , parce qu'elle
fe comble peu à peu. Lés progrès de ce
comblement font connus; ainfi tant qu’iln’eil
pas achevé, l’âge du cheval eft certain. Enfin
fes dents raftnt ; & dès lors elles ne changent
plus fenfiblement. Aulfi le poffeffeur
d’un cheval de quelque- p r ix , a-t-il foin de
çonftater l’époque où il celle de marquer s
afin de pouvoir toujours fixer fon âge. ’
* C’eft-là exaélement le cas de la Terre à
mes yeux. Les Pays qui font enfin totalement
cultivés, font les dents du cheval qui
rafent : la fuccefïion des liècles n’y imprimera
probablement plus rien qui guide dans h Chronologie
terreftre. Si donc ils fe cultivoient
to u s , fans qu’on én marquât les tems; nos
fucceffeurs n’y trouveroient plus d’échelons
qui les aidâ fient à remonter dans le pafie.
Heureufement ce n’elt pas encore le cas de
tqu-
| toute la furface de la Terre ; il y relie un
I grand nombre de pays incultes, qui, comme
les dents du jeune cheval, peuvent nous donn
e r quelque idée de l’âge du monde; je veux
■dire de la date où fa furface aéluelle a pris
l i a forme que nous lui connoiffons aujour-
f d’hui. C’eit-là peut-être une propofition har-
I d i e ; mais V . M. voudra bien me faire la
| grâce de m?écouter jusqu’au bout.‘
En traverfant ces vailes Bruyères de la
[ Westphalïe , un aspeft général que je ne fau-
rois exprimer en peu de mots , fixoit mon
attention tout autour de moi ,; & fembloit
me dire : <t Examine ; retiens tout ce qui
I „ frappe tes yeux. T u es transporté bien
I près du commencement du Monde aéluel ;
r „ tu vois l’image des premiers progrès de la
,, race humaine, & comment la T e r r e s e ll
„ peuplée infenfiblemenc. Jettë tes regards
j, auiïi loin qu’ils peuvent s’étendre , en les
„ détournant pour un moment de ces bos-
quets qui entrecoupent la plaine immenfe
„ que tu parcours. Cette plante noirâtre
„ qui Couvre to u t, eft le travail de la Nature
,, bienfâifàiite envers l’Homme. Voilà la
„ Terre encore tout-à-fait fauvage. Mais
„ ne défespere point : il ne faut .à ce pays
„ que du tems, pour qu’âvec l’indultrie hu