
beaucoup, de lignes. Je lui demandai d’abord
où étoient fes jolies filles ; elle fourit,
<3t me fit entendre qu’elles étoient dans les
champs. L e métier de toile & les rouets
ayant disparu, je lui en demandai la raifon:
elle me répondit qu’on s’en débarrafloit en
E t é , parce qu’on avoit d’autres chofes à faire.
Ç e la fë r t , ajouta - 1 - elle , à s’occuper
dans la Maifon, quand il n’y a plus rien à faire
au dehors»« Je la priai de me montrer le
produit de l’hiver précédent : mais il n’étoit-
plus au logis; on l’a voit vendu à des Marchands
qui en font commerce. C ’eil de la
toüe à faire des voiles, qui fe vend principalement
à Stade & à Hambourg. L e lin que
cette famille avoit recueilli, joint à un peu
de fil reçu de quelques petits Colons en
échange de graines, avoit produit 80 Rix-
daliersou environ 13 Guinées. Ils recueillent
tout ce qui e il néceflaire à la fubfiilance
de la famille ; ils vendent dans les villes voifi-
nes ce qu’ils ont de trop de certaines denrées,
pour y acheter enfuite ce dont- ils ont be-
fo in , & pour payer leur contribution à l’Etat
; & c ’eil la toile qui leur procure quelque
épargne.
Cette bonne femme parloit de tout cela
avec plus de contentement qu’un Nabob de
' Tes
fes tréfors. Elle fut toujours en aèlion pendant
notre dialogue, balayant & rangeant fa
maifon : c ’étoit là fa politeffe ; elle me mon*
' troit que je ne la génois pas. Charmé de
mon côté de l’entendre, je me fis appeller
plufieurs fois par mon Poilillon, avant de
pouvoir la quitter. Quand je fus à quelque
diilance de la maifon, je découvris dans les
champs fes aimables filles, agiifant avec une
vigueur, qui prévient fûrement chez elles les
vapeurs & les maux de nerfs.
Je continuai pendant quelque tems à circuler
parmi les JJles que forment d’autres Colonies
dans les Bruyères, mais peu à peu je
m’apperçus que j ’étois dans un Continent de
culture, où la bruyère avoit totalement disparu.
Les poffeffions n’étoient pas renfermées;
c’étoit des Plaines à bled, il n’y avoit
plus de hayes qu’autour des jardins & des vergers
près des Villages. La nature du terrein
étoit différente ; c’étoit du Sable terreux
gris , tel que les Rivières le charient dans
ces Contrées. Auffi approchois-je du Wefer.
A la fortie de1 nos Continens hors de la
M e r , les Rivières qui s’y formèrent bientôt,
eurent d’abord un cours fort vague, & répandirent
fur de grands espaces de terrein le limon
qu’elle* charioient. Mais les courants prind
r