
l e t t r e l x x x i .
pefcription ¿ ’H e i d e l b e r g de jon
Château.
M à n h e i m , 7£ 20e jb re 1 7 7 7 .
M A D A M E.
JE ne me trompois pas lorsque je penfoîs que
la journée que nous deftinions à Heidel-
lerg feroit une cfes plus agréables de notre
route. Mais le plaifir dont nous y avons
joui n’eft, pas aile à exprimer. Je l’entreprendrai
néanmoins ; & V . M. voudra
bien fuppléer à ce que je ne fuis pas en état
de décrire.
Nous fortîmes le matin de fort bonne hyeu.
r e , invités par une forte de gaieté répandue
v dans l’air. Le Soleil levant éclairoit le côté
de la Vallée qui efl: oppofé à la Ville. T o u te
cette face eft couverte de Bois ; mais on y
reconnoît les effets du vôifinage des hommes,
qui cherchent à profiter de tout. On
v o it
voit çà & là les fentiers par lesquels ils arrivent,
là où ils fe font fait des abris pour le
mauvais teins, là où ils ont trouvé le moien
de fubftituer aux arbres fauvages quelques arbres
fruitiers ou quelque culture, là où leur
[bétail peut traverfer les rochers avec moins
[de péril pour s’enfoncer dans les Forêts*
[là où pouvoit fe raffembler plus convenable-
Iment leur provifion de bois pour l’hiver, là
[où quelque gorge de la Montagne donne ac-
¡cès aux fommets cultivés ou couverts de pâ-
iturages. Voilà quelques unes des idées fertiles
en fujets pour les Payfagiftes, dont mous
avions la réalité fous les yeu x , en un tableau
¡animé par la Nature elle-même ; & qui*
■borné d’abord par le cadre de nos fenêtres,
■promettait de s’étendre au loin, des deux édités
de la Vallée.
Invités donc à fortir pour agrandir le
■champ de ces objets, nous traverfâmes la
■première rue que nous rencontrâmes devant
■nous du côté de la Colline, & nous nous trou-
Ivtmes au bord de la Rivière. Le Soleil coni-
Imençoit à l’éclairer, & tout reprenoit la vie
| & la gaité fur fes bords. Le bétail arrivoit de
■toute part aux abreuvoirs. C’éroit d’abord
■un agréable coup d’oeil ; mais il nous pei-
■gnoit de plus une des douceurs dont on jouit
dans