
qu’il étale fon luxe; des utenciles propres, &
des provifions de diverfes espèces fuspen-
dues de toute part. Les poules, les pigeons,
íes ch ien s , les chats, l’habitent en commun
avec les maîtres; tout y v it , tout y marque
même par fon embonpoint l’aifance de la
maifon. Un bon feu dans cette faifon, eft
l’attrait commun qui les raflemble; & chaque
animal profite de plus à fon tour, de ce que
les habitans principaux rebutent, ou veulent
bien lui abandonner. Us font là en trop
grand nombre pour être tous maîtres; il y a
fûrement des valets & des fervantes, mais je
ne les diftingue pas d’abord. Uçe longue table
eft couverte d’une nape fort blanche, des
affiettes & des éeuelles de terre régnent tout
autour; un grand pot eil fur le feu, qui va
bientôt nourrir également toute la famille.
Mais quelqu’un s’avance pour s’informer de
ce que je veux. Voilà certainement le maître
& la maîtreife, dis-je en moi-même ; c ’eft
leur droit de favoir les premiers ce qui fe pas-
fe dans leur maifon. Que pourrai-je leur dire
ne fachant pas leur langue? Je fais tant de
lignes que je puis, m’aidant de quelques mots
de falutation amicale, pour leur faire comprendre
que je n’entre chez eux que pour le
plaifir de les vifiter. Ils me font auftitôt la
bien
bien venue; m’offrent, une chaife auprès de
leur feu: mais fur le figne que je fais en m’a-
vençant avec cüriofité, que je ne veux que
parcourir leur demeure , ils fourient & me
fatisfont. Je vais partout, précédé du maître
ou de la maîtreife; & partout, me transformant
en payfan, je vois qu’il eft l’homme
le mieux pourvu pour fon befoin. Il faudroit
qu’il cédât bien peu au penchant de la N atu-
re , pour que tenant notre vie en fes mains,
il ne vécût pas commodément le premier.
En entrant je vois une ample provifion de légumes:
les vaches & les poules jouiiToient de
leurs débris. Je defire d'en voir la fource.
On me conduit dans un jardin, où-rien de
rare ne fe trouve ; mais où le commun, l’ef-
fentiel à la v ie , abonde & promet de durer
tout l’hiver. Ce font des choux de toutes
couleurs portés fur de hautes tiges, des raves
& des carottes à foifon, & vingt fortes d’herbes
que l’hiver épargne , & qui font là fous
la main de la bonne ménagère , pour varier
fés apprêts. Eft-ce pour moi l’heure de prendre
un repas ? Je fuis admis à participer au
leur fans cérémonie , & je n’v regrette aucun
feftin. Il faut manger les chofes fimples che?
Îes gens fimples ; c’eft là qu’elles ont leur
faveur naturelle, qui fouvent eft une agréa-
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