
trompe ) comment, par la variété des pen.
chans, les hommes fe trient continuellement
d’eux mêmes, & vont ou ïes divers befoins
de la fociété les appellent. Je ne voudrois
pas fans doüte être Charbonnier ; cependant
je vois que Je Charbonnier eft ' un homme
heureux : car il eft ferein , tranquille , '.p
s’acquitte journellement de Ton travail Tans
ènnui , presque jusqü’à la fin de fa vie.
Cet homme, accompagné d’un Aide & d’un
Apprentif, va s’établir dans le Bois qu’il doit
réduire en chàrbom II y conftruit une petite
cabane, où fon lit fait Ton fiège, & où fa
table n’eft qu’un bout de planche pofé fur
quatre pieux. Il y porte du pain, du fro-
magè & quelques pièces de porc fumé. Il efi
le Maître ; fon Aide & fon Apprentif Je regardent
avec rèspeft, & ne prétendent point à
jouir comme lui des douceurs de la vie. Leur
nourriture eft du pain,! & ils boivent l’eau de
la fontaine voifine. Le Maître en fait autant,
mais il donne un peu d’àpprêt à fon pain, cé
qu’il fait faire de vingt, manières, avec l’eau
feule & lé fe l, par le moyen du feu. De tems
én tems il y joint un peu de fromage ou de
beurre, ou un oeuf, ou bien il étuvè un peu
de porc, & il fubftitue à fon eau de la bicre.
Voilà ce que c'ejî que d’être Maître ! fe d it l’Appren=
I prentif, qui tâte bien rarement de cette bon«*
■ né chère ’: mais je ferai Maître à mon tour.
■ C’eft la pitance qu’il mange avec fon pain.
Le foir vient , & l’on fe repofe. Le Maî-
■tre s’empare de la meilleure place du lit; c’eft
■de la feùillée & quelque espèce de couvertu-
re étendue fur une planche. L’Aide fe met
■Vers les pieds, & l’apprentif fe gliife deflous ,
■en fe difànt peut-être encore: voilà ce que c‘ eji
que d'être Maître ! . . . . Mais je le ferai h Ibion tour. . . . & il s’endort, & dort mieux
que fon Maître , à qui il abandonné le foin de
je réveiller. Le Maître y fange fans dispute j
îjjil fait que ce fera fon profit.
■ Ce font les comparaifons qui le plus fou-
■vent tuent le bonheur : fans elles on pourroit
He trouver partout. Le Charbonnier n’en fait
■point:- il a choifi ce genre de vie; apparerix-
■nent parce qu’il ne s’eft pas fenti grand pen-
Bchant à caufer ; ou que fon Aide & fon Appren-
«tif lui fuffifent pour cela, d’autant plus qu’il a
«toujours raifon avec eux. TApprentif qui dé-
■bute, s’y plaira ou ne s’y plaira pas. S’il s’y
■plaît; voilà fa vocation déterminée, & il éft
■content: s’il ne s’y plaît pas, il cherchera lui-
Htnême quelque autre vocation ; ou bien il fera
■mal, & fon Maître le renverra pour qu’il fe
■Voue à autre chofé. ‘ Et ce parti fera bientôt
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