
L ’Homme furtout l’emporte à cet égard fur
tous les autres Etres terreilres ; tous enfin
viennent, ou viendront le fervir, après avoir
eu leur part de jouijfance. Qui n’adoreroit !
Dans le cas fingulier qui m’a conduit à cette
digrefîion, les corbeaux & les pourceaux,
en travaillant pour eux , travailloient aufli
pour l’Homme. L ’agriculteur avoit grand
befoin de leur fecours pour délivrer lbs champs
de cette engeance fi peuplante , qui , lorsqu’elle
eft favorifée d’une faifon fèche au
teins de la multiplication, fait des progrès
inouis. Mais il faut espérer un fecours plus
général, de la faifon des pluies & de la gelée.
L e premier lieu un peu remarquable que
nous avons trouvé fur notre route, ell Eitn-
bech , & il a été en effet très remarquable
pour moi : fon aspeèl me faifit au premier coup
d’oeil ; & j ’y palfai avec plaifir le tems qui
s’écoule toujours avant qu’on ait changé de
chevaux dans les polies d’Allemagne. Je parcourus
toute la Ville pendant ce tems là , &
j ’en fis de même à Nordheim & dans plufieurs
autres petites Villes femblables qui fe trouvèrent
encore fur notre route. Voilà des V illes
que je ne puis qu’aimer ; parceque ce font
dos Villes champêtres ; des fondations de cultivateurs
, qui fe font rapprochés pour fe protéger
téger mutuellement «& pour vivre enfemble.
L a rue principale qui les traverfe, renferme
les marchands & les artifans qui fervent la
communauté ; elle ell bordée de boutique?
de diverfes espèces. Mais toutes les rues çolr
latérales, qui forment la plus grande partie de
ces V illes , ne font que des fuites de maifons
ruiliques , où tout montre les manoeuvres
des champs & les magazins des récoltes. Ces
Villes-là ne font donc proprement que de très
grands Villages, qui par leur étendue, raf-
femblent une multitude de commodités, -dont
les Villages ordinaires ne fauroient jouir.
S i , en voyant les établilfemens des Colons &
jeur travail dans les Bruyères, je m’étois fenti
transporté au tems où les hommes commencèrent
à s’emparer de la Terre pour la défricher,
en voyant Eimbech & Nordheim , je
me crus transporté à celui de l’invention des
Villes. Tou t y respire encore les premiers
âges du Monde , où l’utilité commune étoit
le lien de la fociété^ où la fimplicité règnoit,
parce qué la plupart des individus âlloient
chercher dans les champs leur fubfiftançe; où
le bonheur, fin générale de tous les Etres, fe
répandoit doucement far la vie entière, làns
qu’on fongeât peut-être à lui donner un nom.
J! s’ell formé enfuite des Capitales ; & je
' crois