
dans l’IJnivers. C’eft ainfi que le Créa,
teur, en variant les espèces des Etres fenfi,
bles, leurs rufes leurs appétits , a rempli
fon but de la manière la plus riche} en faifanç
fervir les fubfiftanees pofljbles, pour rendre
la fomme de là vie la plus grande poffible}
quand le Monde fera parvenu à fa perfection,
Si je mange de la chair ; j ’aime à penièr qu’el-
le n’a pas crû comme un champignon au pied
d’un chêne, mais qu’un animal, à qui la mort
n’a presque rien coûté, parce qu’il ne la pré*
vo y o itp a s , a vécu & joui. Cette façon dç
penfer n ’ e f t pas d'un Disciple de P y t h a g o ,
r e ; mais elle embellit bien plus le Mondç
que les idées de ce Philofophe ancien. '
(Quelle fueeeffioii admirable n’obfervona-
nous pas dans la N a tu re , entre le premier
aliment, & fa dernière^« / L ’Hprpme eût pa
fans doute être nourri immédiatement d’herbe.’
Mais combien la fomme de la vie n’y eût-
elle pas perdu ! Si le végétal nourrit l ’infeéle
yolant, qui nourrit l’araignée, qui a nourri
l’oifeau, dont enfin moi Homme je fais moi)
repas; je ne puis m’empêcher de coniidérer
avec admiration tops ces laboratoires fenfùh
qjii fucceÛivémeht ont rendu le végétal propre
à ma nourriture & qui ont joui avant moi.
t ’Épervier & le Loup jouiffent enfin comlié
me l’Homme, & fans l’H o m m e & ils femj
blent ainfi être une dernière fin. Mais j ’admire
auflî ces dçrnières fins, provifionnelles,
qui reiiipliffent les vuides que l’Homme laiffe
encore. Sans doute ^uiïi que quelques hommes
peuvent entrer dans la fuite des élabora-f
tiohs qui arrivent à l’animal càrnaiîlêr ;, mais
ç’eit un aiguillon qui pouffe l’Homme a étendre
fon empire : il a quelquefois befgin de la
crainte, pour faire des efforts que le defir feul
jie produirait p^s.
Je fuis donc bien éloigné de voit avèc pei-
ne cette espèce de guerre qui eft dans la N a ture,
lorsque je la juge par la raifon. Et il
quelquefois ma fenfibilité; fe révolté, j ’admire
encore cette nouvelle Fin. Le mélange
de réfiftance & de tendance à fe détruire qui
fe trouve chez les êtres fenfibles, fait qu’ils
s’entre - nourriffent avec la plus grande épargne.
Il eft rare qu’ils tuent fans -befoin ; c ’eft
l’effet de cette fenfibilité : mais au befoin ils
fuivent la pente de la Nature. La néceflité
d’employer la rufe, eft encore un rémora aux
appétits défordonnés. La proye a appris.de
la Nature à fuir;.fans cela elle feroit inutilement
façrifiée. L ’animal qui vit de proye, a
appris de cette grande maîtreffe à rufer, de
peur quç fafubfiftancenelui échappât toujours.
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