
Hiifères de l’esclavage n’ont point arrêté ici
les progrès de la culture. Les Souverains du
pays où je les étudie principalement, ont
fort allégé l’exercice du droit dont ils
étoient en poffeflion. Aujourd’hui furtout,
les Colons, déchargés dans tout ce qui tient
au domaine direèt du Prince, du joug il mal
entendu des corvées, ne travaillant plus pour
L u i , qu’en travaillant pour eux - mêmes ,
prennent déjà cet air aêlif & animé, effet naturel
de l’intérêt que prend l’Homme aux
ehofes qui l’occupent, & que détruit l’idée
habituelle qu’un autre jouit des fruits de foi;
travail. L e tenancier, donnant une petite
Ibmme d7argent à fon Seigneur direct , en
placedu travail qu’il étoit obligé de lui fa ire,
cultivera fon propre terrein avec plus d’as-
iiduité , fera plus tenté d’entreprendre, de
nouveaux défrichemens, & le Seigneur fer^
faire beaucoup plus de travail, avec ce peu
d’argent , que n’en faifoient des bras appe-
fantis par la fervitude. Cet exemple ne
peut qu’être fuivi par tous les Vaffaux du
Souverain ; l’exemple eft la plus puiffantq
des Loix ; & combien de pareilles Loix ne
donne pas le Prince fous qui ces Contrée^
prospèrent] p ...
Çe n’eft cependant encore que dans les
pays où la culture eft encouragée pàr le voi*
finage des V illes , que les gens de la campagne
ont embraffé avec empreffement ce ra*
chat de leur liberté , en fubfbituant un peu
d’argent, au revenu que le Seigneur tiroit
I des corvées. Il faut que le Colon fâche faire I de l’argent de fes denrées , pour qu’il puiffe
J en donner ; & dans quelques cantons il n’en I voit pas encore les moyens. Il faudra donc I les lui apprendre ; e'eft l’affaire de la patien- I ce & dureras. Car le Colon, qui ne connoît I . pas le monde, ne fauroit être entraîné par
des raifonnemens qui ne font fondés que fur I l’expérience générale. Il faut donc qu’il
voie l’expérience par lu i-même ; & par
I conféquent ii faut attendre que quelques
Igens un peu plus confians, ou plus aèlifs, la faffent naître à fa portée, & qu’il en apper-
çoive le bon effet.
Mais cela ne fe fera p o in t, que le Colon
ne forte un peu de fa iimplieité naturelle, en
prenant des goûts. C’eft lé befoin de les ià-
tisfaire , qui l’apprivoife avec l’idée de travailler
pour quelque chofe de plus que pour
vivre : mais ce premier pas fa it, on le mène
aifément plus loin. Il fe raffemble alors
■ autour de lui des hommes qui peuvent fatis-
faire fes goûts , en même tems qu’ils ont be