
n e t . , C’étoit la Mtufe , que je traverfai à
Rotterdam. Elle étoit fi calme, qu’à peine de
légères rides la faifoient étinceller de tems en
tems ; & ce n’étoit que de ces étincelles dou.
c e s , qui naiflent & meurent comme fans
bruit ; la Rivière étoit parfemée de vaifleauj
& de Barques, quilaiiïoient inutilement leurs
voiles tendues ; le cours feul de la marée les
entraînoit doucement, tandis que d’autres
attendoient fur leurs ancres un mouveihent
contraire. Quand du milieu de la Rivière
j ’embraflois d’un coup d’oeil l’enfemble que
formoient Rotterdam , la rive oppofée, à
cette charmante |cène navale, où du côté
oppofé à la Lune tout étoit éclairé à la fois,
je compris que la Nature n’a pas befoin de
grandes majjes de lumière & d’oinbre pour
produire des beautés pittoresques y & que ii
le Peintre les trouve néceflaires, c ’eil comme
un aide à la foiblefle de fon Art. Bien
loin que cette reilburee foit néceflaire à la
N a tu re , ce tableau tout éclairé étoit d’une
beauté raviflante. Après cela je n’avois rien
à espérer du même genre qui pût attirer l’attention
;ainfi, dès que j ’eus pris terre de l’autre
côté de la Rivière je me retirai dans une
Auberge pour y attendre le jour.
Ce jour - là je traverfai des Pays que j ’avoiî
vus fous l’ eau au Mois de Décembre ; mais
qui étoient alors de belles prairiçs / co u v e r tes
de bétail. Çette différence procédoit de
celle de la hauteur de la Rivière ; car ces ter-
teins conquis fur la M e r , relient toujours au
deifous du niveau des hautes eaux ; & font
fubmergés en automne par les eaux des pluie,
lorsqu’on ne les enlève pas par des Moulins à
vent. _
Après avoir paifé le Moerdyck, qui eil le
bras le plus occidental de la Meufe, on trouve
le Village de même nom & la dernière digue
vers les Terres : elle couvre encore quelques
terreins fort b a s , que la Rivière inon-
deroit fans cet obitacle ; & bientôt après on
entre dans les Bruyères, où le fol change totalement.
Auparavant on ne trouvoit que
limon argilleux, provenant des dépôts de la
Meufe ; là on voit déjà le même fable qui s’étend
dans le Brabant, la Gucldre, la Wefl-
phaïie, la Bajfe-Saxe & beaucoup plus loin encore.
En un mot c ’eft le vrai Continent.
Et dans toute cette vafle étendue , les ter-
reins les plus bas & les plus près de la M e r ,
ne portent aucune marque d’origine plus récente
, que les plus reculés & les plus hauts.
C’eil fur ces Pays-là que vont maintenant
porter mes remarques.
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