
je pris d’abord pour des tas de joncs. Tous
les bras de la Meufe étoient couverts de Barques
chargées de cette riche récolte ; & le
long des routes il falloit fans ceiTe fe ranger
pour donner paiTage aux chariots qui en ap.
portaient encore des champs.
Débarqué à Hehoet, je me rendis d’abord
à la Haye, d’où je repartis bientôt pour Brc-
da. Je fis de nuit le trajet de la Haye à Rot-
terdam , & le tems s’étant trouvé parfaite-
ment ferein & calme, par la pleine Lune, je
le fis avec délice. Toute ma route fut gar.
nie des originaux de ces Payfages, où l’on
fent fi bien l’impreffion que fait la Nature
dans ce beau moment. En étudiant ces modèles,
j ’avois le plaifir de comprendre , pourquoi
les Clairs - de - Lune nous frappent fi fort
fous d’habiles pinceaux. Le Peintre peut y
employer çk & là ce que fes couleurs ont de
plus approchant de la vive lumière, entre
des mafles d’ombres où les objets naturels
n’offrent eux-mêmes que des contours; par
là il approche bien plus des vraies oppofitions
de lumière & d’ombre du clair de Lune, que
de celles qui font produites par le . Soleil.
Quelque brillances que foient les petites ondes
argentées par la Lune comparées aux
objets voifins, nos yeux n’en ' font que ré-
: - l ~ jouis;
jouis ; au lieu que l’onde embrafée par le So-
BeiÎ nous aveugle.
Je n’ai jamais rien contemplé d é fi animé,
decette vie veux-je dire, qu’on peut donner
¡aux Tableaux, que les demeures variées des
.habitans des bords des Canaux, & les Canaux
¡eux-mêmes. Tout y fentoit l’induilrie & le
travail, & tout y étoit coi ; excepté les Cygnes
, qui au bruit de ma voiture fortoient
gravement leur long cou de deffous leurs ailes
& fillonnoient'légèrement l’eau & quelq
u e s Barques , qui s’annonçoient de loin de
Items en tems, par le jailliffement de l’eau
Ique -frappoient leurs piquets. Les petits
iponts qui, traverfent les Canaux, les jolis
quais qui fervent à l’ornement des jardins ou
à l’ufage des Manufaèlures, les Moulins à
¡vent, les Barques amarrées , les beaux A r bres
dont efl: bordée presque toute la route,
¡tant d’autres objets intéreffans qu’offre ce
Pays, où l’on tire fi bien parti de tout, phan-
geoient fans ceffe à mes y eu x , & les group-
pes, & les accidens de lumière ; je ne çeffois
d’esquiffer des Clairs-de • Lune dans ma te te ;
& fûrement, fi j’avois été Peintre, j ’eûffe
fait là une aifiple moiffon.
Le dernier de ces tableaux, fut te plus magnifique;
j ’y fentois partout le ilyle de V e k -
F f 2r ÎÎET,