
ment. Nous liions partout dans les livres
de morale la . théorie de ce bonheur là : nous
y acquiefçons même ; mais le plus fouvent
une idée facheufe en arrête tout l'effet ; c’eft
que nous croyons ce bonheur trop au deiTus
de notre portée. Si nous favions feulement
nou? procurer une prémière viêloire! . . . ,
V o ilà la véritable indépendance que doit chercher
l’Homme ; celle des beioins faêtices, par
lesquels on l’aiTervit. Pain bis £? liberté, prit
pour dévife un homme de bien qui avoit fenti
douloureufement les chaînes de la dépendance.
Il y avoit là deux mots presque de trop
encore: pain bis dit to u t ; car l’homme qui
s’en contente, eil le plus fûr d’être libre.
J’étois en bon train de dévenir un profélite
à l’indépendance de mes Montagnardes, par
le plaiiir que j eprouvois déjà de m’être mis
à pied comme elles. Le froid ne m’empêchoit
plus de jouïr du beau tems, du bon air, des
points de vue nouveaux & charmans que me
procuroit ma marche rétrogradé dans la même
route. Je jouïiFois auffi de tout ce qui
étoit autour de moi; je felevois des pierres &
les examinois ; je voyois de près, les fleurs
que l’Automne avoit fait éclore; j ’eus même
le plaifir de cueillir encore des violettes &
des penfées dans cet agréable chemin.
Je crains quelquefois de paroître enthou-
fiafte aux yeux d eV . M. en L u i décrivant les
fcènes agréables, je dirois même, en m’abandonnant
à l’énergie de ma fenfation, dans les
fc èn e s ravinantes que m’a fourni ce voyage. Cependant
il m’en refte une içi pour laquelle je
relierai fîürement au dèflous de ce que . je
fens; & de ce que doit faire fentir la Nature*
lorsqu’elle étale de tels tableaux à nos yeux.'
Ces premières femmes, à l’exemple desquelles
je me procurai lé bonheur d’aller à
pied étoient la tête d’une colonne qui s’étem
doit jusqü’au bas de la Montagne.. Tout le
genre féminin du Hartz je crois, me pàffa en
revue dans cette route là. Il y àvoit eu
Marché à Ofierode ; & un marché important
pour nos Montagnardes, on y avoit véndu
ces choux pommés, dont elles font le Saur-
Kraut. Elles en revenoient chargées dans des
hottes. C’étoit un cordon presque continu.
Atout moment j ’en comptois vingt, trente,
& jusqu’à cinquante en une feule file, qui ne
laiiToient pas plus de diilance entr’elles que
des foldats en marche ; & qui marchoient
d’un pas auffi mefuré: &dans toute V’étendue
du chemin , je ne fus jamais fans avoir de
pareilles files à ma vue.
Cela feul, dans les percés des bois & les
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