
L E T T R E LXV.
Univerfité de G o t t i n g u e — — Retour
à H a n o v r e .
H a N o v r é , le 1 3 Décembre
M A D A M E,
o T r e M a j e s t é , aura certainement
compris avec quel regret je 'd u s quitter le
Hartz où s’étoient renouvelles il vivement
chez moi ces plaiiîrs de l’Obfervation & du
fentiment, que les Montagnes m’ont toujours
fait éprouver. Ce regret eût certainement duré
longtems , fi en approchant de Gottingue,
le nom même du jieu, n’eût porté déjà mon
attention fur des idées, qui fe lioient aiTez
avec les précédentes pour me faire paffer
avec intérêt des unes aux autres.
Rentrant pour ainfi dire dans le Monde;
dans ce Monde du moins qui fe regarde comme
fupérieur par le développement de fes facultés
; après avoir vécu quelque tems parmi
des hommes fimples ; furtout après avoir retrouvé
chez eux les traces de ce bonheur aifé
r que
que la Nature offre à tous ceux qui lui restent
fidèles ; rien ne pou voit être plus intë-
I reffant pour moi qu’une Üniverfité. C’eÎfc
¿onc ici, me dis-je â moi même, faifi de
toUtes les idées que ce nom réveille ; c’eft
ici que l’on s’engage à remplir le vuide qiie
jes fciences ont occafionné dans le bonheur,
en en faifant un objet d’étude. C’eit ici
qu’on doit garantir les hommes des erreurs
de leur jugement, puisqu’ils ont voulu juger
de tout. C’eit ici qu’on fournit les contrepoids
du tien & du mien, dont l’équilibre fé
forme aujourdhuî par toute la grande machî-
f l ne de la jurisprudence ; & les remparts dé
! la fanté livrée à la fédu&ion des plaifirs &
1 aux aifauts des honneurs. C’eft ici en un
■ mot, que viennent fe former ces hoihmes,
I qui de mille manières iront enfuite fe charger
I du bonheur de l’humanité développée. Fut-il
| jamais de lieu plus digne d’obfervation ! >
I Animé d’abord par ces idées, grandes fané
I dotite en elles-mêmes, & favorifées encore
[ par la nuit qui avoit fait disparoître a me$
yeux tous les objets corporels, je m avançois
avec plus de plaifir vers Gottingue, arrangeant
dans ma tête des plans d’obfervâtion. Mais
je fentis bientôt qu’il ne s’agiiToit pas là d expérience
du Baromètre , & que ces plans
‘ Tome I I I . Q étoient