
l’on transporte donc dans la contrée la moins
fe r tile , des arts qui plaifent à fes habitans:
pourvu qu’on ne fe décourage pas des pre.
miers obilacles ; ces arts feuls défricheront la
terre. Les fubfiftances y augmenteront ; avec
elles le nombre des artiites ; avec eux le nombre
des cultivateurs. C’eil du bois une fois
allumé, qui s’allume toujours davantage. Il
me femble donc qu’on feroit un grand bien
. pour le monde , il l’on pouvoit parquer les
arts, comme l’on parque les moutons,-les promener
pour ainfi dire fur la furface de la .Terre
, en les arrêtant fucceffivement fur les lieux
où l’agriculture demanderoit le plus d’encouragement.
Ils y formeroient un engrais moral,
d’où naîtroit peu à peu celui dont la terre
a befoin pour produire. Mais comme trop
de moutons dans un même lieu,mourroientde
faim, malgré le grand produit de la terre ; il,
faudroit bien fe garder aufli d’accumuler trop
les arts. Dès qu’un Pays a porté fa culture
aufli loin qu’il eit poflible, & que fes habitans
confomment presque tout fon produit : les
multiplier, c’eil; rendre leur exiitence précaire.
Les fubfiilanees étrangères qui les foutiennent
un tems, leur manquent fouvent tout à coup:
èux-mêmes dans des momens de langueur des
arts, peuvent manquer des moyens qui attirent
rent ces fubfiftances ; & la vraie mlfère, c’efl;
à dire le manque d’alimens en fuffifante quantité,
vient faire appercevoir au Berger politique
, qu’il a trop -multiplié fes moutons. L e
Troupeau fouffre beaucoup, avant que l’ha-
¡bitude & fa nonchalance naturelle, lui vper-
frnettent de fonger au remède en fe dispen-
jfant ( a ) .
* Mais révérions à notre Mineur. Il tire de
argent des Montagnes. Cet argent e il ce'
Lue l’on appelle des moyehs, par une figure
¡triviale , mais bien vraie. Le Laboureur i
iout fimple qu’il eft, recherche aufli des mo-
L ns pour mille chofes; & il fait for tir du
jbled de la terre, à mefure que le Mineur en
(tire le minerai, que le Fondeur Je raffine, &
que le Monnoyeur le convertit en moyens.
{Voilà donc véritablement un peuple toutnouveau
forti pour ainfi dire des mines. Mais
¡ce Peuple fera-t-il heureux? Voilà ce qui me
fieftoit à favoir.
Le
( à ) Quelqu’un a cru & imprimé, que dâns tires Lettré«
î£ur la SuiJJc, je n’avois témoigné quelque peine de l’accrois-
fement des Manufa&ures dans les Montagnes de Ncufcbttel,
que parce que j’étois Gênevàis. J’ai peur que cela ne figni*
'fie, qu’il fe fent lui-même infpité par de petites pallions de
j ce genre.
! Tome i l L M