
difficultés; c ’eil en un mot à la nature fimple.
L e Montagnard eil jeune toute f a v i e à ces
égards. Ses goûts changent fans doute avec
l ’age : mais lé cercle defes jauïffances ne s’ag-
grandit pas pour cela : il n’émouffe jamais la
pointe délicate des plaifirs ordinaires, par le
mélange de ceux qu’aiguife le rafineinent. ,11
revient donc toûjours avec le même penchant
aux mêmes plaifirs ; jusqu'à ce que l’affoupis-
fement du grand fommeille faififîe;&dans cet
aflbupiffement même il eil bien. Il-ne s’y
féveille point en furiaut , par des rêves de
vives jonïfiànces paiTées. *
Notre Mineur, efl même quelque chofe de
plus qu’un Montagnard, & c’eil peut être ce qui
compenfe chez lui les desavantages d’une partie
de fa vie : il e il un Montagnard bien gouverné.
" Lorsque je confidère différentes clas-
fes d’hommes, dont la vie eil une continuelle
fubordination ; & que j ’y remarque un bonheur
que je ne vois point dans la vie indépendante;
je foupçonne beaucoup que cette indépendance
originelle, que l’on prend fouvent
pour bafe dans les raifonnemens fur la liberté
politique ,n ’eil pas la vraie Echelle fur laquelle
on doit mefurer le bonheur Public. L ’Homme
aime naturellement la Régie: c ’eil ce qu’on
retrouve partout, Il n’efl jamais plus ina
quiet,
quiet, que lorsqu'il faüt qü’il ie décide, jamais
plus tranquille & content, que lorsqu’il
fait ce qû’il doit faire chaque jour , presque
même chaque moment. La vie même du>
foldat, cet homme qui fait réfléchir triilement
fur l’humanité, en eû une preuve continuelle;
car c’eil ainfi que s’explique comment il
n’eil pas confumé d’ennui. La vie du mineur
eil de même ; mais bien plus heureufe.
S o n fervice éfl plus journalier, plus foutenu,
& il n’eil pas inquiété par l’idée d’un engage-
[ ment fous peine de la vie. Il peut quitter
[lorsqu’il le Veut ; mais tant qu’il re ile , il e il
[fournis à la Régie: fes Officiers, mineurs corn«*
| me lui, le commandent ; & il obéit. Il fait
donc toûjours ce qu’il a à faire; & il eil obligé
de le faire. S’il le fait mieux , ou plu?
promptement que ce qu’on attend de lui, il y
I trouve quelque avantage : de là l ’émulation ;
grande caufe motrice chez les hommes, &
[trop grande quelquefois pour leur bonheur.
Mais i c i ‘elle a des bornes; quelques fous'de
[ plus en font le fruit. C’eil une jouïiTance
pour ceux qui les méritent ; mais elle n’e il
point allez grande pour humilier leurs cama-
fades: ainfi tout eil content.
Une émulation plus grande cependant,
s’empare des Mineurs que leurs talents diitinguent.