
ont fouffert par la concurrence, i l a donc
fallu s’attirer des chalans à tout prix ; &
]’un de ces prix, très déplorable, a été la
confiance: on a fait crédit ; & ç’a été le
malheur du Commerce. Avant cette fâcheu-
fe inftitution, les Commerçans ne pouvoient
s ’établir fans quelque avance. Leur nombre
étoit donc plus petit, & leur bénéfice plus
certain ; il n’y avoit pas tant de gens qui quit-
taiTent pour Je Commerce , des profeffiom
plus utiles & plus fûres. Depuis l’établifle-
ment du crédit , on a pu commencer fans
rien avec de l’adrefle; on a pu fe montrer
opulent avec de l’adrefle; on a pu piller fes
créancier avec deTadreffe: le Commerce eft
devenu pire que les Grands chemins.
Il faut donc aujourd’hui une grande vigi-j
lance chez l ’honnête Manufaêlurier & Commerçant,
pour fe garantir de ce V o l , devenu
fi commun, de gens qui achettent à crédit,
en fachant d avance qu’ils ne payeront pas.
C ’eft beaucoup, fi en faifant fes affaires chez
fo i, à loifir dans le cours de l’année, en fe
tenant bien informé par fes correspondans, en
faifant voyager fes fa&eurs, on peut fe garantir
de ce pillage. Et l’on vient dans les
Foires, confier peut-etre en huit jours, ce
qu’on ne confieroit chez foi qu’en fix mois!
Eft-il
Eft-il poflible de prendre des précautions fuf-
fifantes, dans un cours fi rapide d’affaires ?
Auffi les Foires font-elles devenues des repaires
de Filoux ; & tous les Négocians pen-
feurs trouvent, qu’aulieu d’aider le Commerce,
elles en fontj la ruiné.
Depuis que je fuis informé de ces affli-
geans détails, je friflonne toutes les fois que
je vois une Foiré. Ainfi, de deux jours que
nous avions deftinés à Francfort , nous en
employâmes un à aller â Hanau. Cette petite
Ville eft un des monumens de la fagefle
qu’a montré l’Allemagne,tandis que la France
s’en écartoit. Les manufa&ures de divers
genres qu’y ont établi les Proteftans réfugiés,
ont doublé fon étendue & vivifié tout
le Pays. Mais cette époque n’eft pas moins
un monument de ce que devient le Monde
fous la dire&ion de la Providence. Elle fait
tirer le bien du mal : ou plutôt, ce que nous
regardons comme un m a l, eft fouvent un
bien. Les Arts s’étoient multipliés & perfectionnés
dans un Pays fertile j fous un Climair
doux ; ils y feroient reliés, & n’auroient pas
étendu allez loin leur influence. La perfé-
cution les a disperfés; & le Monde doit à
cette époque , des défrichemens difficiles ,
qui ne fe feroient pas faits de longtems ; &
Tome I t t . K k par