
en François pour foulager mon coeür, ,,fem-
„ me que j ’honore: je n’ai rien fans doute à
„ vous donner ; vous avez tout ; Dieu vous
„ le conferve.” Je partis, courant fur la route
qu’elle m’avoit indiquée ; & eût-ce été au travers
des marécages, jamais aucun chemin ne
¿n’eût paru mauvais.
Suivant la direélion que j ’avois reçue, je
paflai par un fentier qui traverfoit les plantations
de mon heureufe Colonie ; je trouvai les
maifons; je découvris le Moulin à v en t, je
m’y rendis, & j ’y montai pour demander des
nouvelles de ma voiture. L e Meûnier étoit
occupé de fon ouvrage: mais c ’étoit un Meunier
des Bruyères ;auiïi vint-il auffi-tôt à moi,
& ayant compris ce que je lui demandois, il
m’apprit que ma voiture avoit paifé depuis
longtems ; & venant fur fa galerie , il me
montra dans l’éloignement un four à brique
auprès duquel je devois paifer, & d’où je découvrirais
une Colonie où probablement ma
voiture fe ferait arrêtée. Je pris donc cette
rou te, & je vis longtems le Meûnier obfer-
vant de fa galerie fi je la fuivois bien ; attention
qui n’étoit pas inutile, vu la multitude
des chemins femblables qui croifent toutes les
Bruyères.
J’arrivai dans un quart d’heure au four à
brique, & quelque preifé que je fulfe de continuer
mon chemin, je ne pus m’empêcher
de m’y arrêter un moment. La brique étoit
cuite; & comme il n’y avoit perfonne, .je
fus réduit à ma propre obfervation. Du fa.
ble un peu argilleux, fourni par la Bruyère
même, enétoït la matière; & la tourbe avoit
fervi à le durcir. Voilà donc un autre pro-
dujt des Bruyères, il n’y faut pour tout que
des bras.
Une petite demi heure après j ’arrivai à h
Colonie, où je vis d’abord ma Voiture à l’abri
de là pluie fous un couvert. Puis étant
entré dans la maifon, je trouvai mon voitu-
rier & mon domeiHque, qui foulageoient par
un dîner champêtre, l’inquiétude de m’avoir
perdu. Il reiloit fur la table du pain , des
oeufs, du beurre, du fromage & de la bière ;
& j ’avois grand appétit : j ’en profitai tandis
qu’on préparait la vo itu re , & 7 ftuivers
payèrent notre feftin. C’étoit encore dans
les Bruyères.
Le tems que mon erreur nous avoit fait
perdre, empêcha que nous ne pufliorîs entrer
le même foir à Bois - le - Duc. J’y eus peu dé
regret ; & dès que cela .fut certain , . je fis
comprendre à mon Poitillon que je fouhaitois
de m’arrêter dans un Village, Ce parti, lui
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