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1703. ple trois ou quatre , d’un pied de
10. Mai. long pour un morceau de pain, qui
n’y eft pas cher non plus. Les brèmes
& les carpes n’y abondent pas
moins. Enfin, on y achette des pêcheurs
hors de la ville, des Sevroe-
kes, de la grandeur des merluches ,
qui ne reviennent pas à plus de Ç. à
6. fols, d’où l’on peut juger du prix
du poifion en general. Ils ont encore
un petit poiffon rond, qui a trois
pouces de large , & qui eft long à
proportion, qu’ils nomment Vïoe-
nie, qu’on trouve dans un endroit où
fe jette une petite riviere, comme
dans un puits. J’y en ai pris moi-
même en quantité dans un tamis, &
de plufieurs fortes, dont j’en ai con-
fervé dans des efprits avec de petits
Soedakes. J’en aurois aufli confervé
des autres fortes , s’ils euffent été
plus petits.
Il y a environ quarante familles
d'Arméniens aux environs de cette
ville, lefquels y ont des boutiques,
comme on l’a déjà obfervé. Les Indiens
y demeurent dans leur Caravanier
ai , où ils font leur négoce.
Leur nombre n’eft pas inférieur à celui,
des Arméniens , mais ils n’ont
point de femmes.
Ce Caravanferai eft affez grand,
8c ceint d’une muraille quarrée de
pierre, laquelle a plufieurs portes.
I l y a des gardes aux deux principales,
S c on les ferme le foir à une certaine
heure. Les marchands Arméniens
, qui vont & qui viennent, y
prennent leur logement, & j’yreftaij
avec eux. I l y en a même qui y de-1
meurent 8c y tiennent boutique. Ils
y ont desChans ou des quartiers fepa-
rez. Celui des paffagers eft à deux
étages avec des galleries ; 8c celui
: des Indiens, qui eft de l’autre côté,
eft tout, de bois : mais ils y ont fait
bâtir depuis peu un magazin de
pierre, de crainte du feu , auquel
ceux de bois font fujets. Ce bâtiment
eft large 8c profond, 8c a 40.
pieds en quarré. Les Arméniens en
faifoient faire un femblable , dont
les fondemensétoient déjà élevés de
, fi; pièds.
rcnAdUím- Il n’y aYoit guére que j ’étois en
te au fous- cette ville, lorfquele fous-Gouyer-
1703.
¡.o. Mai.
Demeure \
des Indiens
&
des A rmeniens*
Gouverneur.
neurou Lieutenant de Roi Mekiete
Iwanitz Apochtem, m’envoya prier
de le venir trouver. J ’y allaile lendemain
,8c eus le bonheur d’y trouver
le Gouverneur avec fa famille.,
8c quelques dames habillées 8c coef-
fées'à l’Allemande, qui étoient fur
le point de s’en aller, 8c que leurs
caroffes attendoient dans la court
On me reçut parfaitement bien, 8c
après m’avoir régalé de vin 8c de
biere, le Gouverneur dit, que je lui
avois été recommandé par le Knees,
Bories 8c même par fa Majefté Cza-
rienne. Enfuite il fe tourna vers moi
8c me pria de le venir voir tous fis
jours, ¿r de lui dire en quoi il pourrait
me rendre fervice. J e le remerciai
8c il fe retira un moment après. Lors
qu’il fut forti, le fôus-Gouverneur
me fit paffer dans un autre appartement
avec mon compagnon de
voyage , Mr. Jacob Davideof, 8c
nous prefenta quelques rafraichiffe-
mens Perfans , 8c m’entretint; avec
beaucoup d’honnêteté ,8c de douceur,
chofe qui lui eft très-naturelle.
La plupart des jardins, qui font Jardins:
autour de la ville font remplis de
vignes, 8ç d’arbres fruitiers, 8cfur
tout de pommiers, de poiriers, de
pruniers 8c d’abricotiers, dont lés
fruits ne font pas des meilleurs.
Mais on y trouve des melons d’eau Melons
admirables, qui furpaffént ceux d eieau’
Perfe. Ils laiffent croître leurs vi- Yisno*
gnes à la hauteur d’un homme, 8c la
taillent, de maniéré qu’elle ne pouffe
pas plus haut, 8c l’attachent à
des échalas. Leraifinen eftnoir,ou
d’un bleu fort enfoncé, 8c affez gros,
à ce qu’on m’a dit, n’y aïant pas été.
dans la faifon. . Ceux qui croiffent
dans les jardins des particuliers, foit
Arméniens ou autres, qui ne font
pas en grand nombre, fe vendent
au marché : mais on fait du vin de
ceux qui croiffent dans les jardins
ou vignobles, dont on vient de parler,
qui font prefque tous auCzar,
qui en tire le profit. Ce6 vins font
rouges 8c affez agréables. Le terrain
y eft fort fablonneux, 8c comme il
■s’y trouve, des fourçes, ils font de
grands puits dans leurs jardins, 8c
y
1703. y conduifent Beau par:des canaux’
* 0. Mai. fouterrains.. On, la tire’enfuite de;
Canaux. Ces puits;, à l ’aide d’jine grande
roue, à laquelle on attache des banquets,
8c on la verfe dans desgou-
tieres de bois , qui la font aller"-par
tout le jardin. Un feul chameau fait
tourner toutes ces; roues. G es jardins
ou vignobles font à’ 2. ou 3s
werftes de la ville j..8c on en augmente
tous les jours le nombre;: 8c com-
me ils font ouverts , on y a placé
des guérites élevées àr de- certaines
diftances joù l’on tient des fentinel-
les pour empêcher qu’on n’en vole
le fruit dans la faifon. On m’a dit
qu’il y avoit plus de ioo.. ans, qu’on
avoit commencé à planter ces vignobles,
ce qui s’étoit fait,à ce qu’on croit
par des marchands Perfans, qui en a-
voient apporté les ceps de leur païs
L ’A u teu r . Quelques jours après' moti' arritend
ViiSbi ' •- -* - - • - -
t e à l ’Am - yée.’, .j’allai. rendre vi-fite à Mr.
baffàdeur;- Serochan Beèk, deftiné à l’Ambaffa-
de Perfe. de de Suede par le Roi de Perfe. Le
Czar, qui était; en guerre avec la
Suede,' ne voulut pas laiffer paffer
ce miniftfe par. fes’Etatsj 8c le'-fit
même, arrêter, de forte qu’il avoit
été retenu ¡trois- ans enoMofc'ovÎe: Il
avoit; .environ 60. ; pcrfoiirfes à fa;
fuitè,8rétait parti. âéMofcouquelques
jours aVanrmoi, ■ Il me reçut’
fort honnêtement j aflis-fur fon: Soc
fa , à la maniéré de l’orient, 8c me
fit donner du caffé 8c du Kullabna-
batp qui eft une liqueur blanche fort
agréable, compofée defucrë’8c d’eaù
Son pot- de rofes. C ’étoit un nomme'de bon-
trM- ne mine 8c fort affable. Il avoit des
mouftaches jufques aux oreiUesi 8c
la barbe lui pendoit bien -un quart
d’aune au deffoits du menton, qui
étoitrafé. Son ¡turban étoit blanc,
. 8c fou Kaftan ou fa vefte, attachée
autour. du -’corps avec -une-eeintù
re de.tiflù d’or ; 8c il avoit un beau
Gansjar au côté droit. Il fitmoit d?ün!
Kaljan à la Perfane 8c avoit deux do-
m’eftiqüesA fes côtés.-Celui quié-
toit> à) fa droite tétoit armé -d'un
grand fabre,dont le pommeau for-
toit d’un fachet rouge; Ceminiftire’
me demanda en difcourânt, fi je
voulois' faire le voyage d'Ifpahan
avec lui, dont je m’êxeufai.;
Je rendisrvifi teenfuite à Mï. tVigbP, r j à f '
homme de,mérité,' 8c auicaipitainé4.Jàitt.
Wagenaer, qui m’étoit venu voir à
mon. arrivéèv;- .Monfr. Wigne me •
mena promener fur- la rivière dans
une. barque à 24. . raïnes, ¡conduiç
te par .44. foldats', accompagnés,
de: dix. ou douze -flûtes 8c
hautbois-, 8c de quelques tambours,
qui battoièntla- marche à {’ Allemande.
Nous allâmes â -¡'.voerfies d’A f
trqcan, à: l’endroit, o ù ’étoit l’ancienne
ville, il y a environ 120!
ans, dont on ne trouve pas lés .
moindres veftiges’ à préfent:: j ’ÿ
trouvai cependant quelques offe-
Iriens en terre. Il- y a 7;- aù§:, qû’on Sàlpetti
y découvrit du fâlpetre dans ies^™u*
montagnes, 8c On y travaille • avec ’ .
beaucoup de fuccès.- Cet endroit
eft à l’eft de la ville'fur la-:gauche
delaTriviere en-defcindánt. Nous
nous amufâmes à tirer des pigeons
en nous en retournant, 8c paffâmes
devant les vaiifeaux, qui-font fur
l’autre rive.
- Ce quatrùmé jum il iutvint-anc
groffe tempête, qui fit périr devant ’
la ville, un vaiffeau charge dehois,
fur leqnelriil’y avoit y i. perfôniies;
dont il '-s’-en- noya- vint neuf. ?
EeJ&iBfeii’iliy 'arrNâ: Sï-barqüëi
de Perfé, dont quatre apparténoient
à- des Rujfiens, 8c les-autres' à des
Mahometans. ■ Elles’ a Voient à- bord
quelques marchands Arméniens.
- Pendant tout le teins que jereftai
en cette ville , le Gouverneur-eon-1
tinua' toujours de me faire mille boni
nêtetés:y- m’envoyant fouvfent déà
préfens', -8c me' regalânt Chez -’ lui
dè toutes fortes derâfraichiffëmens
Perfans1, me preffant toujours de
lui dire; en quoi irpôurifëiïmeren-
dre fervice. De toutes fes offres je
n’acceptai que de la bîerë-j parce
qu’on n’ën pouvoir rroiiver dé femblable
à la fienne pour’- de l ’argent-
8c il ne manqua pas de m’èn envoyer
ufie bonne provifion’. Comme il
n’ignoroît pâs quéje devois' refter’
quelque teifis en 'cette ville j il me
pria de faire- fôn portrait 8c celui
de fon fils -, ce que je ne pûs lui re-
fufer. Il faifoit'aufli de fon côté
tout ce qu’il pouvoit pour m’obliger