1695. magicien ,ainfi nommée d’après un
l 5. jahv. fameux Schatnan ou magicien qui
y demeure. La chute de ç.e torrent'
a une demi lieuë d’étendue, & les
bords en font couverts de hautes,
montagnes de pierre * 8c tout le
fonds de rocher. Ce torrent eft terrible
à la vue, comme il paroit par
la taille-douce ci-jointe > 8c fait un
bruit épouvantable en tombant entre
les rochers * dont il y en a, qui
parodient au deffus de l’eau , &
d’autres qu’on ne voit pas. On l’entend
à trois lieues d Allemagne de
diftance quand l’air n’eft pas agité.
Les barques,dont on fefertpour a u q u e l le s * - - , f ] - < . ,• '
b a r q u e s monter cp torrent y employentlou-
font ex- vent g à jours, quoi qu’elles ne
montant foient pas chargées, 8c qu’on lesti-
ce tôt-, rg à fo.rce de machines , d’ancres
cn ' 8c de monde. On travaille même
quelquefois un jour entier , dans
les endroits où l’eau eft baffë, &
les rochers élevez, pour avancer la
iongueur de la barque * qqi fe trouve
fort expofée.
On décharge ces barqües, en def-
cendant, aufli bien qu’en remontant
ce torrent, 8c on en tranfpor-
te la çargàifon par-terre , jufqu’à
ce qu’on foit hors de danger. Elles
ne'font guere plus de 12. minutes
~ à le defceiidre, tant la chute en eft
rapide. Au refte il fe trouve peu
de Rujfiens 8c de Tungufes qui fâchent
les conduire , bien qu’elles
ayent un gouvernail par devant 61
par derrière, & qu’elles foient gar-
hies de ràmes à droite & à gauche.
Les pilotes marquent aux rameurs*
par le mouvement d’Urt mouchoir *
la marteuvre qu’ils doivent faire, le
bruit delà chute de l’eau étant trop
grand pour entendre leür Voix. On
prend foin, outre cela* de bien fermer
les vaiffeauxdetouscôtéspoitr
empêcher l’eaü qui paffe par deflus
hettÿent d’y entrer. I l ne laiffe pas cepen-
P>*;« dant d’y arriver tous les ans quel-
Ktedcs que malheur par le peu d’expè-
tUdtcs. rience des pilotes j qui donnent contre
les rochers, & en ce cas il n’y à
ceux qui periffent de cette manie-
re, 8c ôn voit, le rivage rempli de 25. Jantt
croix , élevées.; aux endroits où ils
ont fait naufrage , fit où il y en a -
d’enterrez. L ’eau qui s’ÿ rend de la
mer glaciale , enfle tellement ce
torrent en hyver * qu’on a peine à
en difcerner la. chute * & qu’on y
paffoit autrefois en traîneau , mais
elle eft fort baffe en, été;
On trouve beaucoup de Tungufes Tungufes
à quelques lieues de là, j, & leur fa-
tneux Schatnan ou magicien. La réputation
aucune reffource , on eft englouti
par la violence du, torrent, ou bri-
fé contre les rochers. On a même
de la peine à retrouver lés corps de
de cet impofteur donna la
cùriofité à Monfieur l’Envoyé de fe
rendre à. fa demeure; I l dit que
c’étoit un grand homme * affez a-
vanc,é en âge, qui avoit douze fem-
ttles, 8c ne rougiffoit pas defapro-
feflion. Ce Schuman lui montra fon Defcrip;
habit magique , 8c toutes les cho- tion de fi
[fes dont il fë fert pour la magie. pcr
Premièrement une robe toute gar- soh habit
nie de ferrailles 3 reprefentant tou-
tes fortes de figures d’animaux, d’oi*
féaux * de corbeaux , de poiffons ,
de hiboux , de griffes, de haches,
de feies , de fabres , de -couteaux
8cc. qui faifoient un étrange cliquetis.
I l avoit les pieds 8c les jambes
couvertes de même, 8c les mains de
deux grandes pattes d’oürs , faites
de fer. Son bonnet étoit orné de
ferrailles femblables à celles de fa
robe , 8c il avoit fur le front deux
grandes cornes de rennes aufli de
fer; Lors qu’il exerce fon artdia- cota;
bolique, il prend un tambour de la
main gauche* 8c une baguette plat- fon art,
te de la droite* couverte de poil de
fouris de montagne , puis fautant
tantôt fur un pied , 8c tantôt fur
l’autre, fes ferrailles font Un bruit
épouvantable; Il bat de la caiffeen
même tems * en tournant les yeux
8c faifant des hurlemens comme urt
ours. Après ce beau préludé * il fe
fait payer, avant de paffer outre*
pour découvrir ce qüe les Tungufes ^ ,ojjr_
foùhaitent fa voir'de lui * foit pour quoi;
leur aider à recouvrer quelque vo l, '
ou leur apprendre autrèchofe. Cela
fa it , il recommence à fauter 8c
à crier * jufques à ce qU’il apper-
çoive urt oifeau noir fur fa cabane
à l’endroit où la fumée en fort.
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