17o6.core durer ? à quoi je repondis le
u. juin." mieux qu’il me fut poilible , 8c le
R o i prit tant de plaifir à mes re-
ponfes , 8c aux autres chofes que
j ’eus l’honneur de lui dire, qu’il me
pria de les lui envoyer par écrit de
Batavia, ce que je lui promis.
C e Prince m’apprit, à fon tour,
que tous les habitans de ce pais a-
,voient été autrefoisPayens,& qu’il
y avoit environ 300. ans, qu’ils a-
voient embraiïe le Mahometifrne, à
la folicitation d’un de Tes-ancêtres
nommé Soefoehoenan Aboel Macha-
fin , qu’ils eftimoient un faint,
& à l'Empire duquel ils fe fournirent.
I l me parla enfuite de la
Turquie ; de la Terre Sainte, 8c de
Jerufalem. Il fit aufil àppeller un
marchand Turc de Bethlehem, que
le hazard avoit conduit en ce quartier
là,après avoir perdu toutesfes
marchandifes en mer.
Nous eûmes une longue conver-
fation enfemble, dont ce Princefut
tellement fatisfait qu’il me ferra plu-
fieurs fois la main.’ Il me pria aufli
de le venir voir une fécondé fois le
lendemain, à 9. heures du matin
dans fon Palais, 8c de lui apporter
le journal de mon premier voyage :
car j ’ai appris, me dit-il, que voire
livre eft entre les mains de Mr.
deWys. I l fe tourna enfuite vers Mr.
Kaef, 8c lui d i t , qu’il n’étoit pas
■ necefiaire qu’il fe donnât la peine
de revenir, puifque les lettrés qu’il
devoit porter à Batavia étoient prê-
■ tes:;, qu’il les auroit le lendemain,
& qu’il pourrait partir immédiatement
après. Le R o i me mena par
toute fa maifon , qui avoit trois é-
tages, lefquels contenoient plufieurs
appartemens. I l me dit fes fenti-
mens par rapport aux grands de
l ’Etat 8c aux Confeillers des Princes,
8c de quelle maniéré on les devoit
recompenfer 8c punir. I l exalta
fort la vertu & la fidélité, &
ajouta qu’un Prince ne pouvoit jamais
aifez recompenfer les fervices
de fes fujets ; & que lors qu’ils com-
mettoient des fautes, auxquelles la
nature humaine eft fujette,ilfalloit
les pardonner en cortfideration d e I70g
leurs fervices pailèz • qu’il ne fal- u . juiii.
loit jamais fe-fervir deremedes vio-
lens; mais adoucir les chofes attirant
qü’il étoit poilible , 8c ne fe
| pas laiffer entraîner par fes paillons,
ni agir avec précipitation &
emportement." Il ajouta .à cela qu’il
n’ignoroit pas le mal que lajaloufie
caufe dans les Cours. Je pris après
cela la liberté de lui- dire mes fen-
timens , que j ’appuiai de plufieurs
exemples tirez de l ’hiftoire & des
Anciens.
La fituation d e la maifon où nous situation
étions eft charmante, tant du côté la mai.
de la terre que de celui de la mer , ct
8c entourée d’un beau cana l, dont
le fonds eft pavé. Au relie, pendant
que le R o i me menoitainfide
tous cô te z , & m’entretenoit comme
je viens de le dire , il étoit fuivi
des dames armées dont on a fait
mention. Comme la nuit appro.
choit je pris congé de fa Majefté.
Nous trouvâmes 3.’ caroffes à la *
porte, dans l’un defquels le Roi me
¡fit placer. Ce Prince monta à cheval;
en même tems , avec 3. ou 4.
des jeunes. Princes, 8c les Dames de
la Cour fe mirent dans les autres ca-
roffes. On m’aiTura que la Reine
Ratoe-anoem étoit parmi e lle s , 8c
qu’elle s’étoit divertie à la pêche a-
vec les Dames de fa fuite,pendant
que nous étions auprès du Roi. Les
autres femmes , s’en retournèrent à
pied, quelques unes chargées de bagage.
I l y avoit outre cela 200. gardes
armés de piques à la fuite du des,
Roi. Ceux qui font les plus proches
de fa perfonne s’appellent Kajorans;
8c les autres Souranagaras. Tous les
fujets de ce Prince font Javanites ;
8c les étrangers qui font dans fes
Etats font Malayes, Makajfares 8c
Baliers. Quand ils ne font point à
fon fe rv ic e ,il faut qu’ils fortentdu
chemin ,lors qu’il paiTeavec fes femmes,
à la maniéré des Orientaux.
Ses gar«
Nous arrivâmes x av- ec la nuit a,u C. hâ-- L Auteur
teau, ou nous primes congé de fa prend 1
Majefté , 8c fûmes conduits chez
nous avec deux groifes lanternes. 01;
C ha-
C h a p i t r e LXIX.
L'Auteur eft admis me fécondé fois auprès du Roi. Danfeufes
comiques. I l prend congé du Roi. Langue ¿sfes Javanites.
Leur culte. Origine des Rois de Bantam.
Seconde T E ne manquai pas de me rendre
Audien- J le lendemain, à l’heure marquée,
avec le' Secrétaire Gobms , chez :le
premier Miniftre, pour y attendre
la dame, qui devoit me conduire au
Palais,8c fus furpris de lafimplici-
té de la maifon de ce Seigneur. La
dame que nous attendions s’y rendit
peu après 8c nous conduifit auprès
du R o i, que nous trouvâmes
fur la muraille du château, au def-
fus de la grande porte, occupé à
regarder un carofle, dont les Ma-
giftrats. de Batavia, lui avoient fait
préfent , 8c qui étoit arrivé la veil-
lefur uneGalioceàbombé. Ce Prince
nous aiant apperçu, nous fit ligne
de monter oùjjjA étoit. I l étoit environné
de damés, 8c on tenoit fix
parafais deriere lui. De là ,on nous
conduifit dans, la fale d’audience,
qui eft feparée du refte de l’édifi-
Danfeu- ce. Cette fale étoit aufli remplie
fis- de femmes, parmi lefquelles il y
avoit 3. danfeufes , dont la principale
étoit parfaitement belle , 8c
très-proprement habillée, d ’une maniéré
toute finguliere. Il y avoit,
comme le jour précèdent, une grande
table, cou verte, au haut bout de
laquelle le Roi fe plaça , 8c m’ordonna
de m’ afleoir à fa droite, 8c
me faire plaifir, dont je lui témoignai
au Secrétaire de fe mettre à côtéde
moi.. :
On nous prefenta d’abord du thé,
8c peu après la Reine parut, 8c fe
mit à côté du Roi à fa gauche.
Nous nous levâmes immédiatement,
le Secrétaire 8c moi, 8c lui fîmes
une profonde reverence ; mais le
R o i nous ordonna de reprendre nos
places. ,-On fervit enfuite plufieurs
fortes de mets , 8c entr’autres une
afliete de fromage de Hollande, que
la Reine pouflademoncôté, croiant
T om. H
ma reconnoiflance, 8c en mangeai
un morceau, 8c un peu de tout
ce qui étoic fur la table. Le R oi
qui l’obferva avec fatisfaôtion, me
fit demander fi les fauces étoient à
mon goût, 8c comment je trouvois
leur maniéré d’apprêter les viandes;
à quai je répondis que je les trouvois
admirables, comme de fait,8c
que je ne pouvois en donner une
meilleure preuve qu’en mangeant
comme je faifois. L e . R o i fourit,
8c en parut content. Alors les dan-
fepfes ■ commencèrent à s’exercer.
La Re ine , fécondé femme de fa Majefté,
8c la plus confiderable de toutes
, nommée Ratoe-Anoen, dont on p o r t r a i t
a déjà parlé, étoit à la fleur de fon
â ge, belle, bien-faite, avec un teint
admirable, St un air majeftueux,
accompagné de mille agrémens, 8c
de maniérés douces 8c engageantes.
Elle éfoit habillée à la maniéré du
pais, comme les autres dames delà
Cour. Cette Princelfe fe retira au
bout d’une heure ; 8c après qu’on
eut delfervi; le R o i parcourut une
partie de la relation, de mon voyag
e , que j ’avois apporté par fon ordre,
8c que je lui expliquai , autant
que le tems le pût permettre;
à quoi il fembla prendre plaifir. Ce- LeR0i
pendant le R oi fit venir une de fes p a r c o u r t
concubines , qu’il fit aflèoir vis-à-
vis de moi. Cette dame étoit fort v o y a g e ,
replette, 8c fort blanche , avec feU*rAa'
de beaux cheveux blonds ; mais elle C o n c u -
avoit les joues enflées, 8c les yeux du
à demi fermez. Elle me demanda
de quel pais je croiois qu’elle fût.
| Je répondis que je ne le fa vois pas,
¡mais que s’i l m’étoit permis de le
I deviner, il me fembloit qu’elle pourrait
être une- efclave RuJJienne , en
Z z aiant