1701
Í 3. Sept.
L e s chevaux
s enfu- .
ïe n tà la
^ùëdes
rennes.
ïmpetùo-
fité des
rennes.
paniere
dp les
prendre.
Dards
des Sain
oiedes.
Cha flc
des rennes.
Patins.
qu’ils ont autour de la tête. Cependant
, comme j ’étois curieux
d’examiner la nature de cet attelage,
8c de voir mieux le mouvement de
ces animaux , je fis atteler deux
traîneaux par ce Samoiede, & inet-,
tre deux rennes à chacun: Nous
allâmes ainfi fur la glace, Sè tra-
verfâmes plufieurs fois la riviere :
Je fortis même du traîneau pour
mieux obferver toute choie, &: en
faire une petite ébauche, & je trouvai
que le Samoiede n’avoit pas
bien ajufté celui qu’il avoit fait entrer
dans ma chambre. On en trouvera
la reprefentation au Num. 9.
J’obièrvai fur cette riviere, que
les chevaux s’enfuïoient à la vue des
rennes 8c des Samoiedes, foit qu’ils
fulfent attelez à des traineaUx ou
non. Cela arrive même dans la ville
, & fait voir la crainte qu’ils ont
de ces animaux St de ces gens-là.
■ Ces rennes courait avec une impe-
tuofké, qui furpalfe celle des chevaux,
fans choifir un chemin battu,
8c paffent également par tout ou on
les guide, levant la tête de maniéré,
que les cornes leur touchent le dos.
Ils ne fuent jamais/Ornais lôrfqu’ils
font fatiguez, la langue leur fort de
la bouche de côté , 8c- quand ils
font fort échaufez ilsfhaletent comme
des chiens. On fe fert.de trois
fortes de dards pour lèsifirendre.
Les premiers n'ont qu’une pointe
comme les dards ordinaires, les féconds
en ont deux, & les autres'
font fort aigus par devant, 8c reffemblent
à un coin, comme il parait
au carquois marqué dans la
taille-doucè. Ils les nomment ftre-
li, & les Rujftens Jterla , 8c un arc
loeck. Lors qu’ils vont à la chaffe
des écureuils, ils-fe fervent d’un
autre dard, qu’ils nomment tomaer,
lequel-eft- émouffé par le bout, 8c
reffemble aifez à une poire de bois,
d’bs ou de corne, pour les tuer fans
en entamer-la* peau ou la fourrure,
qui en diminuerait de prix. La
chaiTe des rennes fe fait en hyvér,
& on fe fert pour cela de patins de
bois^, d’environ huit pieds delong^
& d’un demi pié de large, qu’on
attache par le milieu fur la pointedû
pié , avec une courroie , à la- i./ol..
fl^UÇ-On en joint une autre, qui «s-Sepiï.
entoure & ferre le talon. Les piës
armez de cette maniéré, ils paifent
par delîiis la neige & fur les coline$ '
avec une vîteffe incroyable. Ces pa-
tinsjfont doiiblés par delTous de peau
pmd de renne, la fourrure en
dehors,^ pour les empêcher deglif-
er en arriéré, 8c pouvoir s’arrêter
en montant les colines. Ils tiennent ,
a la main une houlette, garnie paBi-
le bout d’une petite pele, avec fifU '
quelle .ils jettent de la neige aux
rennes qu’ils apperÇoivent, pour
les faire aller dü côté où ils ont
tendu des pieges pour les attraper,
lors qu’ils font trop éloignés pour
les^ atteindre de leurs dards. Il y a
a l’autre bout de cette houlette un
petit cercle d’environ quatre pou- .
ces de diamètre, garni de petites
cordes en échiquier, dont ils fe fervent
pour s’arrêter de tems en tems,
la pointe du bâton qui palfe au tra--
vers, & un peu au delà de ce cercle
, s enfonçant dans la neige où
le cercle s’arrête. Lors qu’ils ont
chaffé leur proye dans les pieges
qu’ils leur tendent, où ils fe prennent
comme dans des filets, ils y
.accourent & percent de coups ceux
qüi ne peuvent;s’en tirer.; Enfui-
te ils: en vendent la peau, ou s’en
font habiller, comme il a' été dit,
& fe repaiflent de leur chair. Ils ne
tirent pas moins de profit de ceux
qu’ils élevent &r qui font apprivoisez,
en vendant une partie, & fe
fervant de 1 autre pour tirer leurs
traîneaux en hyver. Lorfqu’un
mala fauvage- s’accouple avec une-
femelle apprivoifée , ils en tuent -
le faon , parce que Ces jeunes fe
fauvent dans les deferts au bout de
trois ou quatre jours. Mais ceux
qui font apprivoisez demeurent dans -
les bois .uutour des cabanes, & ils
favent les attirer en les appelant, &
-les faire tomber dans les pièges
qu ils leur tendent. Ces animaux, Nourrf-
cherchent eux-mêmes leur nourri-*fLire de*
ture, qui eft une certaine moufle™"“ '
blanche, qui croit dans les marécages.
Ils faVent la trouver quand
même elle ferôit couverte d’une pi-
"que
•1-701.
ijj. Sept.
Defcrip-
tion des
rennès.
Chàfle
aquatique.
que de neige , qu’ils écartent de
leurs pieds jufques à ce qu’ils y
foient parvenus. C ’eft aufïï prefque
leur unique nourriture, quoi qu’-iis-:
piaffent manger de l’herbe & du
fo in , lorsqu’ils n’ont point de
cette moufle. Ils reffemblent affez
aux cerfs, mais ils font plus puif-
fans, & ont les jambes plus courtes,
comme on peut voir par la taille
douce. Ils font prefque tous blanchâtres
, mais il s’en trouve de
gris, & ils ont fous les pieds une
efpece dé corne noire. Leur bois
tombe & fe'change tous les ans au
primons, & eft couvert d’une efpece
de peau velue, qui en tombe
à l’entrée de l’hyver. Au refte. ces
animaux-là ne vivent d’ordinaire
que huit à neuf ans. Outre cette
chaffe ils en ont une autre par eau,
ç’eft celle des chiens marins, ..qui
fe trouvent pendant les mois de
mars & d’avril dans la mer blanche,
& qu’oh tient, qui s’y rendent
de la nouvelle. Zemble, pour
y produire leur efpece. Us s’accouplent
fur la glace où les Samoiedes
les attendent, vêtus de maniéré
qu’ils 11e reffemblent à rien moins
qu’à des créatures humaines, pour
les furprendré. Cela fe fait de cette
maniéré. Ils s’avancent fur la
glace, qui s’étend quelquefois en
mer à une demi-lieuë de terre, armez
d’un bâton garni d’un harpon,
attaché à une corde d’environ douze
braffes de long, & aufïï-tôt qu’ils
àpperçoivent ces animaux, ils fe
gliffent fur le ventre , auili près
d’eux qu’il eft poflible, dans le tems
qu’ils s’accouplent, & s’arrêtent
dès qu’ils trouvent qu’ils s’apper-
foivent de leur mouvement. Enfuite
ils s’en rapprochent encore, &]orf-
qu’ils en font à portée ils leur lancent
leurs harponsjdont ces animaux
fe fëntant atteints fe jettent à l’eau.
Alors le Samoiede tire la corde, qu’il
tient attachée à fa ceinture, jufques
a ce que l’animal bleffé n’en pouvant
plus tombe entre fes mains. Quelquefois
j, cet animal, fe fentant blef-
fè par la douleur que lui caufe
i’eau falée, s’élance fur la glace,
où il eft percé de coups. Sa chair
fert de nourriture,&la peaudevê-1701.
tement au chaffeur, qui en vendi3.Scpt;
l’huile. 11 arrive cependant aufïï, Danger
que ce, chien marin percé s’élan- df c5-tt'
ce dans l’eau avec tant de yi.olen- c * c: '
.ce, qu’il entraine après lui lé pauvre
chaffeur , qui ne pouvant fe
débarraffer affez tôt de la corde,
qu’il a autour du corps, périt mi-
ferablement. Us fe fervent à peu
près du même ftratagême pour ,
prendre des rennes , fe gliffant,
Couverts de leurs peaux , & fans
être reconnus, entre ceux qui fonc
apprivoifez, puis s’approchant des
fauvages, ils les percent de leurs
dards: Mais il faut qu’ilS,. fe'tiennent
fous le vent, parce que ces’
animaux^ qui ont l’odorat admira-
ble, ne manqueraient pas de les découvrir
ians cela, & ainfi ils parviennent
à leur but & font de bonnes
prifes. .
J ’appris cela de la femme du Samoiede,
qui accompagna fon mari,
lors queje fis fon portrait. Ç ’étoit
la plus jolie & la plus agreable de
toutes celles que j ’a i . vues parmi
eux. Je tâchai aufïï de me mettre
bien dans fon efprit, pour apprendre
d’elle ce que je fouhaitois favoir.
Rien n’y contribua davantage qu’une
bonne prôvifion d’eau de vie
que.j’avois, & dont íes femmes de
ce païs-là fe faoulent comme les
hommes, jufqu’à tomber parterre.
Cela ne manqua pas aufïï d’arriver
a celle-ci , dont le mari penfa fe
pâmer de rire en la voiant. Elle fe
releva pourtant, & fe mit a pleurer
amèrement s’étant reffouvenuë
en ce moment, qu’elle n’avoit point
d’enfans, & qu’elle en avoit perdu
quatre,, à ce que me dit làmaitref-
fe de la maifon , reflexions qu’on
fait quelquefois dans la boiffon.
Discourant un jour avec elle fur le
chapitre des enfans, elle m’apprit
leur maniere de les enterrer ,„ou
d’en difpofer après leur mort, laquelle
eft fort extraordinaire.- Lors
qu’un enfant à la niammelle, où '
ils les tiennent un an, vient à moa.-
rir fans avoir goûté de viande, ils
l’enveloppent dans un drap 8c le
pendent à un arbre dans les bois.
B à . Coin