l’encens : Enfuite elles font du feu
à côté des tombeaux de leurs pa-
rens & de leurs amis, fur lefquels
elles pofent des cierges allumés, 8c
jettent continuellement de l’encens
dans le feu, en faifant de grandes
lamentations , 8c s’addreifant aux
morts qui y repofent, avec plus ou
moins de vehemence, félon qu’elles
font plus ou moins animées de douleur.
7° 4-
Aoû t.
Elles fe jettent même fur ces
tombeaux qu’elles embraifent &
baignent de leurs ' larmes ; 8c les
perfonnes de condition y allument
jufques à 5. & 6. grôè)-cierges, en
faifant des cris & des hurlemens
dont on eft effrayé. Comme j ’étois
curieux de voir cette folemnité je me
rendis à ce cimetiere deux heures
avant le jour avec le fils de .notre
Interprète chez qui j ’étois logé. Je
fus furpris à la vue de ces tombeaux
ne laiflai pas de la tracer, le mieux 1704.
qu’il me fut poffible, fur du papier, 2.1. A o û t;
m’étant placé pour cela [à côté de
la tombe de la femme de notre Di-
refteur, le vifage tourné verslavil-
le. On en trouvera la reprefentai
tion au num. 102. Cette Cérémonie
, & de tous les objets qui
s’olfroient à mes yeux ; &c m’en é-
tant un peu éloigné ils me parurent
femblables aux ruines d’une ville
détruite par les fiâmes, entre lef-
quelles lès perfonnes, qui s’étoient
fauvées de cet incendie venoient
chercher, avec de la lumière, pendant
les ténébres de la nuit, leurs
parens SE leurs amis,& les débris de
leurs biens en fe plaignant de leur
trille fort. Bien que les maris ref-
tent à la maifon pendant que leurs
femmes-font occupées à cette folem-
nité, on ne laifie pas d’y en voir
quelques uns par-cijoar là, & des I
. prêtres qui font des prières pour
ceux qui les payent pour cela. Les
uns leur en donnent cinq fols , d’autres
d ix, 8c les perfonnes de con-
fideration jufques à vingt. Ces
prêtres habillez de noir font un
fpeêtacle aflez bizarre parmi toutes
ces femmes vêtues de blanc. Le
nombre des femmes ; qui fe rendent
à ces tombeaux, fe monte ordinairement
à près de 3000. & celui
des petits feux qu’elles allument,
joint à la quantité d’encens
qu’elles y jettent, fait une fumée,
qui fe répand jufques à Isp ah mi.
Quoi que cette folemnité fe fafle
pendant l’obfcurité de la nuit, je
dura jufques fur les deux heures
du matin. En m’en retournant
je trouvai les chemins remplis de
monde, & plulieurs femmes qui retournoient
pour la fécondé fois aux
tombeaux. Après que le foleil eft
levé, les gens du commun s’y rendent
aufii, mais ce n’eft qcie pour
fumer & fè divertir.
Le dernier jour du mois , je me
rendis fur le loir chez notre Directeur,
pour aller cette nuit aveefon
fécond, à la montagne dsKoefoffa,
où l’on voit les ruines d’une ancienne
forterefie. Nous partîmes à quatre
heures du matin , & arrivâmes
fur les fept heures dans un endroit
de cette montagne, où nous fumes
obligez de mettre pied à terre, les
chevaux ne pouvant palier outre.
Mon compagnon , qui n’étoit pas
bon piéton, m’y quita, & m’alla attendre
au cimetiere des Chrétiens.
Je montai la montagne fur les 8.
heures, accompagné d’un chaflëur
& d’un valet, pourvus d’armes à
feu, & nous parvînmes fur les to.
heures à une vieille porte, à côté de
laquelle on voit les ruines d’une muraille
qui s’étendoit autrefois au
nord, jufques au pied de la mon-
I tagne à l’endroit où elle eft la plus
efearpée. Cette porte étoit bien
plus ufée à gauche que du côté droit.
On en voit la reprefentation au
num. 103. A un quart de lieuëde-'
là nous trouvâmes les veftïges d’un
autre bâtiment, ruiné jufques. aux
fondemens, qu’on prétend qui avoit
autrefois fervi d’écurie. Delà on
découvre plulieurs débris d’un an- ,
cienne muraille, qui s’étendoit fort
avant fur le haut de la montagne
au fud 3 de l’eft à l’ouëft, & au nord
vers la ville, dont cette montagne
n*éft pas éloignée. Elle pourroit
même fervir de forterefie fans le fe-
cours de l’a r t, étant fort efearpée
I lh 2 du