. de la Cour vinrent fe ptofterner à
fes pieds. Enfuite on ouvrit toutes
les maifons 8c les boutiques , qui
avoient été fermées jufques alors,
8c. on fit des feux de joie, 6c des illuminations
*7° 4'
I. Mai.;
Son portrait.
I l aime à
bâtir.
de tous côtez. Le lendemain
du. couronnement, le nouveau
R o i , nommé Sultan Hojjen,
fit préienter des Robes Royales à
tous les Seigneurs 8c principaux
cqurtifans, qui étoient encore couverts
de leurs habits déchirez , 8c
on quita le deuil. Après cela, les
tambours 8c les trompettes fe firent
entendre de tous côtés , 8c ces ré-
jouïffances durèrent l’efpace de 40.
jours félon la coutume.
Le Roi avôit environ 24. ans,
8c n’étoit pas grand, mais bien fait
& beau de vifage. Je le regardai
attentivement à plufieurs reprifes,
lors quej’étois àlspahàn, pour m’imprimer
fon air dans l’efprit,afinde
faire fon portrait, auquel je réuiïïs
affez bien. Il avoit un habit d’été,
mais je le peignis en habit d’hyver,
cjui eft beaucoup plus magnifique.
On le diftingue aifémént au joyau
qu’il porte à fon turban , avec trois
plumes de héron noires. On le voit
au Num. 85.
. Ce Prince prend tant de plaifir
:à bâtir, qu’on compte qii’il y a employé
quatre à cinq millions depuis
dix ans,qu’il eft fur le trône,quoi
queles. jardins 8c les maifons de plai-
lance nelui coûtent rien. Lors qu’il
en veut faire conftruire en quel-
qu’endroit, on le fait publier à fon
de trompe afin que ceux, qui l’-ai-
ment, y viennent travailler. Les ouvriers
s’y rendent auffi-tôt de tous
côtez , fans prétendre la moindre
recompenfe; 8c les grands du Royaume
ne manquent pas aüiïï d’y en
envoyer à leurs dépens. Les Arméniens
font obligez d’y contribuer de
même jL8c.je fai de fcience-certaine,
qu’un grand; jatdin, qui s’eft fait
de. mon tems', leur a c^ûté 300.
Tomans, qui fe montent à 120000.
livres.
. Ce Prince eft tellement addonné
aux femmes , qu’il s’y abahdonne
fans garder aucunes mefures, 8c fans
avoir le moindre égard au bien de
l’Etat. Ce mauvais exemple fait 1704.
que la juftice eft mal.adminiftrée 1. Mai.
dans un fi grand Empire, où regne
la licence, 8c où le vice eft impuni.
Aufli les grands chemins, qui
étoient autrefois' fi bien gardez,
font remplis de brigands aujourd’hui.
Cela fait de plus, que le Clergé aEunu-
un très-grand afcendantfurcePrin- qu«*"»
ce,aufli bien que les eunuques,re-Ia,aveur'
but de la nature, indignes depoffe-
der les grandes charges 8c les digni-
tez,puis qu’ils'ne font que les gardes
du Serrail, lieu deftiné aux plaifirs
illicites'du Roi ¡ outre que leur
air a quelque chofe de rebutant.
Cependant ils ne-laiffent pas d’être
les premiers dans lafaveur,jufques
là même, que les Confeillersd’état
font obligez de leur faire la cour 8c
de les flatter, neeesfité bien mortifiante
pour des perfonnes dé naif-
fance 6c de confideration, qui ne
fauroient fe conférver dans lesbon-
nes grâces du Ro i, ni s’afliirer de
leurs charges, fans faire de fembla-
blcs baffefles. -
Il ne laiffepasde-s’en trouver qui D ifg r iia f
ont le coeur trop bien placé pour dul1 Seir
cela, 8c qui ne fauroient deguiferGcor-
leurs fèntimens. Il y a quelques an- Sonnées
qu’un Seigneur Géorgien, nommé
Ruflan Chàn, homme de mérité
, qui poffedoit une des premières
charges de l’Etat, étant Général en
chef, des Armées du Roi,8c Gouverneur
de Tatiris, l’ancienne Ecba-
tane, capitale de la Medie, eut la
bardieffe de dire à ce Prince, à un
certain feftin, en préfence des premiers
de la Cour , qii’il ctoit un Prince
ignorant; qu’il ne fauroit jamais
rie», 8c qu’il ne pouvoit fe refoudre
à le fervir plus long tems. -Ilfut de-
pofé le lendemain, 8c reçut ordre
de ne point for tir de chez lui; à
quoi il obéit. Cependant, fes amis
firent tant par leurs folicitations,
qu’on promit de le rétablir; mais il
fut fi éloigné de les en remercier,
qu’il les blâma, de s’être mêlez de
fes affaires, 8c déclara pofitiveméat
qu’il ne 'vouloif plus fervir un tel
Prince, 8c .perfifta dans cette refo-
lution jufques à fa mort.
Un