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14. Fev.'
V O Y A G E S
nous refolûmes de prendre la route regardoient ce trille fpeftaclé, les 1708.
de TVilda. Cependant', comme tou-1 yeux noyez de larmes, 8c le coeur *>. Fc*
tes les maifons étoient remplies de rempli d'amertume. 11 y en avoit
nous allâmes loger chez même, qui attendoient en tremblant
" ^ l’ennemi qui les dévoie détruire.
Nos condufteurs en furent tellement
effrayez, qu’ils nous fupphé-
rent les larmes aux yeux de leur
permettre de s’en retourner, à quoi
flous confentinles, touchez de com-
paflion, & refolûmes de continuer
notre voyage‘fans eux, entourez de
foldats, .... . ----
Mr. le Dofteur Areskine, qui fe
trouvoit en cette ville, où nous paf-
lames la foirée très-agréablement a-
vec le General Allert. Les RtijJieris
avoient fait des lignes autour de la
ville. & du Nieper, qui pafle à côté,
pour faire têteaux Suedoisqu. on
y attendoi
Nous continuâmes notre voyage flammes de tous côtez.
le dix-huitième par des bois remplis chetâmes cependant, 8
» . . X . 1 . _ V» I „1______ , , , , EHH de fapins, qui abondent eh ce pais,
■ & arrivâmes fur les 10. heures, à
■Krôepka , où l’on avoit pofte un
corps de 500. hommes. Delà nous
A rrivée à nousrendimes à Borisof, pauvre vil-
Borisof. le , dont les maifons font difperfées
deçà 8c delà, fans ordre 6c fans régularité.
Il y a cependant un châ
Nous a-
de leurs
chevaux pour nous conduire juf-
ques à JVtlda, à 16. lieues delà.
Mais ils né furent pas plutôt partis
que nous nous trouvâmes dans
un embaras inexprimable , en con-
iidefant qu’en avançant nous allions
nous expofer à tomber entre les
mains des guiarice.11 ».tptuuain, u.. Va-i nq1 ues>, q.ui fontauferteau
de bois ceint d’une muraille de vice de la Suede , 6c qu en retolu-
•terre. Monfr. Keiferling, Miniftre nant fur nos pas-, nous ne pourrions
de ■■Prtiiffe s’y trouvoit alors. Nous éviter la rencontre des maïpdeurS Dangers,:
y montrâmes nos paffeports, 1 çon- de la même nation, qui fe trouvenc
tinuâmes notre route à 2. heures a- parmi les Moscovites, gens qui.n ont
près midi ; mais nous nous égarâ- pas plus d’égard pour les amis que
mes dans les bois, qui font fort é- pour les ennemis, 6c quin’épargne-
pais, 6c arrivâmes fur le foir à Ju- roient pas leurs plus proches pa-
' rens. Ce font des fauvages qui né
. Nous en partimes àune heure du 1 tirent point de folde, 6c qui ne vi-
matin avec un guide , qui nous vent que de iapine 8c de brigànda-
conduifit jufques à Belartes , où il go, 11 y avoir de plus, en ce quar-
Y a une grande maifon, qui appar- tiér-là, des Tartares 6c des Caimu-
tient à un Seigneur Polonais, 8c puis ques, qui ne valent pas mieux que
nous paflfâmes par un autre village les autres. Nous reftâmes ainfî juf-
dans une plaine , où nous trouvâ- ques à midi fans favoir quel parti
mes un regiment, 8C nous arrivâ-1 prendre entourez de flammes de
mes enfin
traite de 1
11_1.1L 3 LV 11V/UJ U.CXJ.T » .
Krafnafel après une tous côtez. Enfin, nous reiolumes
. lieues. de continuer notre chemin fanS con-
Nous continuâmes notre voyage j dufteurs , nous commettant a la
le vinet-&-uniime,&c arrivâmes fur garde de Dieu. Nous nefûmespàs
les trois heures au village de Mollo- plutôt fortis du village que nous
defra d’où le Prince Alexandre é- rencontrâmes un parti de cavalerie,
toit parti dès le matin. Les RuJJÏens de Cofaques 6C Vainques, aü fervicé
venoient d’y mettre le feu, comme ides Mofc'ovites , aiant un officier à
s9 . 1 /• I 1 T lo n n n e n ep n V .o r r p t û f n ils avoient fait en plufieurs autres, leur tête
pour empêcher les Suédois d’y trou- l’inftant
Ils nous firent- arrêtef à
8c nous leur montrâmes
Mifere
des paï-
fans.
empcuia iw ? uuu- — - ,
ver dequoi fubfiiter 3 fpe£tacle af- nos pafleports , 1 pour lefquels ils
freux ! L^es bois d’alentour étoient n’eurent aucun égard , allant que
remplis de pauvres païfans * qûi nous étions des traîtres qtii voit-
fuïoient pour fe dérober à la fureur loient pafler du côté des ennemis,
des foldats animez, 8c y cacher ce Nous en énons-là lors qu’un jeune
qu’ils avoient pû fauver. On en\Allemand, qüi étoit parmi éUX,sa-
voioit d’autres, par-ci par-là , qui vança 8c leur repréfenta hardiment
' qu ils
g qu’ils avoient to r t, 6c qu’ils nous
* . faifoient une grande injuftice, fur-
i
1 1 . Fev.
quoi l’un d’entr’eux lui donna un
grand coup de fouet, que celui-ci
lui rendit avec ufure. Il nous dit
enfuite de ne rien craindre, 8c
qu’un General s’avançoit au grand
pas vers nous, à la tête d’un corps
de cavalerie. Ses compagnons qui
ne l’ignoroient pas, fe retirèrent au
plus vite , 8c nous laififérent en repos.
Nous n’en fûmes pas furpris,
fachant bien que ces gens-là , qui
font fort refolus lors qu’il s’agit de
piller, font des lâches , lors qu’ils
trouvent la moindre réfiftance, 8c
prennent la fuite aufli-tôt qu’ils
voient tomber un de leurs compagnons.
Le corps dont lé jeune A llemand
venoit de nous parler fut à
nous en moins d’un quart heure. Il
étoit commandé par deux Aides de
camp généraux, dont l’un étoit An-
glois 8c l’autre Allemand. U Anglais,
qui nous connoifooit, nous fit mille
honnêtetez 8c nous lui apprimes ce
qui nous étoit arrivé, en le priant
de nous dire s’il croyoit que nous
pûflions ayancer en fûreté. 11 nous
afiura que la chofe étoit impofli-
ble , tant parce que les Cofaques
Ruffiens étoient encore occupez à
brûler ce qui reftoit de villages, 8c
à rompre les ponts, que parce que
•nous ne pourrions éviter la rencontre
de ceux qui étoient au fervice
de la Suede , qui pilloient tout ce
qui s’offrôit à leurs yeux, 6c n’é-
pargnoient fouvent pas même la vie
de ceux qui avoient le malheur de
tomber entre leurs mains ; 8c qu’ain-
ii il nous confeilloit de nous en retourner
avec lui, à quoi il fallut
bien nous refoudre. Au refte , il
envoya un cavalier après nos condufteurs
, qui vinrent nous rejoindre
avec leurs chevaux , de forte
qu’aiant deux chevaux. à chaque-
traîneau , nous eûmes bien-tôt rejoint
le parti qui nous avoit fi maltraitez
de paroles,8c l’Oflicier Anglais
falua de quelques coups de
fouet celui qui le commandoit, pour
lui apprendre fon devoir.
Nous apprimes auifi que les Cofaques
Suédoisn’étoient qu’à 4. ou y.
lieues de nous , 8c nous arrivâmes ^ 0§.
peu après à la maifon d’un Seigneur 21. Fev..
Polonais, à laquelle on mit le feu à
9. heures du foir. A trois' lieues
delà nous en trouvâmes une autre,
qui avoit l’air d’une forterefie, 8c
des troupes commandées par le Colonel
Geloeim, qui nousconfeillade
pafler outre , fans nous arrêter ,
parce qu’on y attendoit les Suédois,
Nous paflames enfuite par plufieurs
endroits où l’on avoit pofté
des troupes, 8c arrivâmes fur les3,
heures au palais de Lefcova, où é-
toit le Prince Alexandre de Menfikof.
Nous nous étions flattez de le rencontrer
plutôt,6c nous nous écions
feparez pour cela de la grande troupe
avec une efeorte de 4. cavaliers.
J Ce Prince nous reçut très-gracieu-
fement. Nous le priâmes de nous
apprendre s’il n’y auroit point d’autre
chemin par lequel nous pûflions
continuer notre voyage en fureté,
ou s’il voudroit bien avoir la bonté
d’envoyer un trompette à l’armée
Suedoife pour nous procurer un fauf-
conduit. Il répondit, à l’égard du
premier point, que la chofe étoit
abfolument impoflïble, les troupes
Suedoifes étant répandues de tous
côtez, 8c qu’il feroit inutile d’y envoyer
un trompette, puis qu’ils
n’en vouloient point admettre ; 8c
qu’ils en avoient déjà fait maflacrer
deux ou trois,8c quelques tambours j
mais qu’il nous confeilloit de nous en
retourner à Mofcocoo. 11 me le con-
feilla même particulièrement, fachant
que j’étois chargé des curio-
fitez que j’avois apportées de Perfe
8c des Indes. Après l’avoir remercié
de fes .bontez, je lui fis une relation
fuccinte de mon voyage, 6c
il nous ordonna de le fuivre pen-
I dant 3. jours , pour n’être pas ex-
pofez à la fureur des païfans - Polo-
'nois, qui étoient répandus dans des
bois , qu’il nous fallôit traverfer,
8c qui n’épargnoientperfonne. Auf-
fi , ne faurois-je jamais afifez me
louer des bontez de ce Prince. Il
nous apprit que l’avantgarde des
troupes Suedoifes étoit arrivée, trois
heures après notre départ, au dernier
château où nous avions pafle,
8c