V Ô Y A G ', ü ü
170.1
3-.Sept.
Grotte
tempête.
dirent, à ce qu’on croit, qu’un
feul homme en cette occaiion,dont
le corps étant tombé dans l ’eau,
fut enlevé par les Moscovites.
Le quatrième, plufieurs de nos
vaifleaux vinrent mouiller devant
la ville Y après qu’on'eut examiné
.s’ils n’avoient point de marchandi-
fes de contrebande. Le vaiffeau
Anglois, qui étoit demeuré à l’embouchure
de la riviere , faute de
piloté, voulut.y entrer alors , &
eut le malheur de donner contre
terre. Le lendemain lé vent s’éleva
de forte, qu’on n’en pût approcher
pour en tirer les marchandifes,. &
la tempête augmentant toujours , il
s’ouvrit ii foudainement le jixiéme,
qu’il s’y trouva plus de fept pieds
d’eau, 'dans une demi heure. L ’Equipage
Sut' bien de la peine à fe
fauver arccJTes hardes, à l’aide de
quelques cordages, & d’une barque:
Mais on ne pût en tirer la
cargaifon', qui confiftoit presqüë
toute en tabac. C ’étoit un des plus
beaux vaifleaux , qu’on eût vû en
ces quartiers-là. Il contenoit 300.
lafts , & étoit percé pour 4,0. pie*
ces ^e canon, quoi qu’il n’en eût
que 18. alors , & 30. hommes d’é-
quipage. Il s’enfonça tellement,
en peu de tems, que la mer paffa
par deffus. Il fe nomrnoit la Refo-
lution & étoit commandé par le
capitaine, Brnins. Le vaiffeau dé
Hambourg , dont on a parlé, &
qui avoit aufïï donné contre terre,
lé dernier jour à’Août, auroit apparemment
eû le même fort, fi l ’on
n’eût profité du beau teins pour eh
tirer la cargaifon, & le remettre à
flot, l’endroit ou il étoit échoué
étant encore plus dangereux, que’
celui, oùmAnglais périt. Enfin,
après avoir évité tous ces dangers,
nous entrâmes heureufement dans
le port ,t à la faveur de la marée. ;
C h a p i t r e II.
Defcriptïon des Samoiedes. Leurs moeurs, leur demeure,
& leur maniéré de vivre.
X E onzie'me de ce mois, je mon-
I ^ tai la rivieré. avec mon ami,
pour aller à une maifon de. campagne,
qu’il avoit à z i ou, 3. lieues
de la ville. Nous vîmes en chemin,
dans un bois où nous defeendîmes,
des .gensqu’on nomme Samoiedes,
nom qui lignifie, en langue RuJJien-
ne , mangeurs d’hommes , ou gens
qui s’entre-mangent. Ils font presque
tous fauvages , & s’étendent
le long de la mer, jusques en Sibérie.
Ces gens-là,au nombre de 7. à
8.hommes, & autant de femmes,
étoient divifez en cinq tentes différentes,,
aiant auprès d’eux 6. ou 7.
chiens , attachez : chacun à un
piquet particulier, qui firent beaucoup
de bruit lors que nous en approchâmes.;
Nous les trouvâmes
occupez , tant hommes que femmes,
à faire des rames, des inftru-
mens à vuider l ’eau, qui entre dans
les batteaux, de petites chaifes,&
chofes pareilles, qu’ils vont vendre
à la ville, & fur les vaifleaux.
Ils ont la liberté de prendre le bois,
dont ils les fon t, dans lès forêts.
Leur ftature cil petite, & particulièrement
celle des femmes , qui
ont de très-petits pieds. Leur teint
eft jaune , &*leur -air désagréable,
aiant presque tous les yeux longs ,
&lesjôuës enflées. Ils ont leur propre
langue, & favent auflï la RuJJien.
ne-, & font tous habillez de la même
maniéré, de peaux de Rennes.'
Ils ont une robbe de deffus, qui
leur pend depuis le coljusques aux
genoux, le poil en. deh®rs, & de
différentes couleurs pour les femmes,
lesquelles y ajoûtent des bandes
de drap, rouges & bleues, pour
leur fervir d’ornement. Leurs cheveux
, qui font fort noirs, font épars
comme ceux des fauvages, & ils les
coupent de tems en tems par flocons.
Les femmes treffent une partie