d’impofitions. Le climat du cap
glacé, que XesMofcovites nomment
• Svetoinos ou le Cap facré , eft ex-
ceinvement froid; & il y geleavec
tant de violence que les glaçons de
la mer , pouffez par les vents , y
forment de hautes montagnes, qui
paroiffent folides. Le même vent
ne laiffe pas de les ébranler quelquefois
1695-
I-» jahv.-
Froid ex
eeffif.
Montagnes
de
glate .
, 8c d’en faire tomber une
partie, qui fe rejoignent à d’autres
par le mouvement de la mer, & en
forment de nouvelles. Il arrive
même que cette mer demeure 2. ou
3. années de fuite geléé de cette maniéré,
dont on eut un exemple fameux
depuis l’année 1694, jufques
en l ’an 1697.
La grande riviere de Lena
L a Len a ,
& la ville a fa fource
d e Ja-
lcutskoi.
fud - ouëft proche
du lac de Baikal, où la- Sy-
berie fe. fepare de la TSaurie. On
trouve fur cette riviere la ville
de Jakutskoi ,. d’où il va en été des
barques, pour fe rendre le long des
côtes, 8c par les ouvertures du Cap
à Sabatzia,à. Anadieskoi Sc à Kam-
fatka , pour y prendre du Narval
& de l ’huile de baleine. Les Tar-
tares de ces quartiers-là fe fervent
pour cela de petites barques de cuir,
d’une legereté extraordinaire. Les
peuples qui habitent aux environs
de Jakutskoi 8c de la riviere d’Am-
ga font Jakutes, Sc s’habillent d'urne
maniéré toute particulière. Leurs
jufte-au-corps font faits à peu près à
Y Allemande, & de fourures de toutes
fortes de couleurs coufuës en-
femble, avec une bordure blanche
de. quatre doigts, de poil de biche;
& font ouverts par derrière 8c par
les cotez ; mais ils ne portent pas de
Leur chemife. Ils ont les cheveux longs,
croyance. & croyent qu’il y a un Dieu au ciel
qui leur donne la vie , la nourriture,
une femme & des enfans. Au
refte ils celebrent une fois l’année
une grande fête, & lui offrent du
Kunis 8c de YArak. Ils s!abftien-
nent même de boire pendant qu’elle
dure -, & font de grands feux,
qu’ils arrofent continuellement de
ces liqueurs-là à l’eft, enquoicon-
iifte toute leur offrande. Lorsqu’un
d’entr’eux vient à mourir, ils font
Barques
de cuir.
Offrandes.
enterrer avec lui le plus proche de 1695.
fesparens;. cpütumeàpeuprèsfem- i .J à n v .
blable à celle de quelques Indiens, Enterrc' j 1 c i . mens. • dont les femmes accompagnent le
corps fur le bûcher fatal, & s’y font
brûler avec lui, pour n’en être pas
feparées en l’autre monde.
Leur langue eft affez femblable à Leùrlan-
celle des Tartares Mahometans ; qui ®ue‘
habitent aux environs de Tobol, &
font originaires du païs de Bolgar.
La Polygamie leur eft auiïï permi-
fe. Leurs principales voitures font
des cerfs , dont ils fe fervent même
pour leur monture, 8c aveclefquels
ils font beaucoup de chemin en peu
de tems. Ils font braves gens, ne L e n t in-
manquent pas de genie , 8c aiment dination,
la vérité. Cependant, lors que le
Gouverneur de Jakutskoi, dont ils
dépendent, n’eft pas ferme & rigide,
ils commettent toutès.fortes de
violences , 8c font des 'courfes continuelles;
mais lors qu’il leur.tient
la. bride haute , ils font obeïffants
& tranquilles , 8c ne commettent .
aucu'n defordre ; au .contraire ils
l’eftiment,. & feraient fâchez de le
perdre. Ils prétendent êtr.e iffus;
des Mongoles & des Kalmuques , &
qu’ils, ont été transférez, au nord
par les RuJJiens. Le feorbut eft un
mal fort ordinaire parmi eux; mais
ils. s’en gueriffent facilement en
mangeant du poiffon crû , fit du
Deugti, qui eft une efpece degau-
dron.
Les Jukogates, autres Payens, qui Çoûtume
habitent en ce païs-là, ont unecoû- iKsh*?- p. . ■- gates a
tume extraordinaire, lors qu un dé l’égard
leurs parens vient à mourir : ils lui des I A i. ~i ^ ‘ 'v- ~ morts., v ôtent toute la chair juiques aux os,
Sc puis en font fecher le fquelette,
qu’ils ornent de çoral de verre de
toutes fortes de couleurs. Enfui-
te, ils le portent en procelîîon autour
de leurs cabanes , 6c lui rendent
les mêmes honneurs qu’ils font
à leurs Idoles. Les rivages de la Le- ta Len*.
na font remplis de dents de Mam-
muts & d’autres offemens de ces ani-
maux-là , qui fortent des montagnes
Se des terres gelées , dont elle eft
bordée ; 8c dont les glaces emportent
fouvent de greffes pièces. Plu-
fieurs Ijelles rivieres venant du fud,
viennent fe décharger dans celle-ci.
1. jaiiv. Les principales font le TTïttvm ,
YOlekina Si la Muja, aux environs
defquelles on trouve de belles martes
zibelines noires, 8c d’autres pelleteries
en abondance ; 8c fur tout des
grifes, qu’on achette des Tartares en
hyver 3.. ou 4. rubels le millier. Lê
païs qu’arrofe la Maya produit auffi
toutes fortes de grains , de même
que celui qui eft vers la fource de
la Lena, 8c principalement celui de
, Wergolenskoljb Si de Kirenga, qui eft
très fertile ; 8c d’où celui de Jakuts-
koi tire tous les ans les choies necef-
faires pour fon entretien. Auflî n’y
donnè-t-on que 10. à 12. fols de
100. livres de feigle : le bétail n’y
eft pas plus chef à proportion, mais
l ’argent y eft fort rare.
La côte de la mer , entre la Lena
8c la Jenifia, n’eft pas navigable
jufques à la riviere de Taraida,
parce qu’elle eft toujours remplie
de glace. : mais le pais qui eft
entre l&Taraida 8c la Jenifia eft habité
par des Samoiedes 8c des Tartares
Tungufes Payens, de la maniéré
de vivre 8c de la croyance def-
L a jeni- quels on a déjà parlé. Quant aux
fit’ bords de la Jenifia, qui a fa fource
au fud de la Tartane , au païs
des Kalmuques 8c des Kirgifes , ils
font prefque tous occupés par des
RuJJiens. Trois belles rftrieres s’y
viennent décharger, la Wergnaja
. Tunguska,lu Podkamenna Tunguska,
Si IzNifnaja Tunguska. Les rivages
de ces rivieres font habités par des
Tùngufes fauvages , approchant affez
des Samoiedes , hors qu’ils font
plus grands de taille 8c plus fobüf- iday,
tes : Ils font inquiets 8c aiment i 1. ïsev.1
faire la guerre à leurs voifins. Lorf- ChaiJe
qufe ces Tartares vont à la chaffe a« flans,
des élans, l’arc 8c la fleche à la
main, qui font les feules armes
dont ils fe fervent, :8r qu’ils en ont
bleffé un, -ils le fuivent à la pifte,
quelquefois huit à dix jour® de fuite,
avec leurs femmes18c leurs en-
fans : Sc comme ils ne fe chargent
d’aucune provifion , faifant fonds
fur leur chaffe , ils Ont une efpccc
de fangle ou de corfet autour du’
c o rp sq u ’ils refferrent tous les jours
d’un pouce ou deuxàmefute qu’ils
font preffeZ de la faim. Enfin,
lors qu’ils ont pris';l’élan qu’ils
pourfuivent, ils l’égorgent, Scfont
tendre une tenté légère; enfuitede
quoi, ils ne bougent de cet endroit,
qu’ils ne l’aient mangé jufques aux
os. Sitf ces entrefaites; il leur arrive
quelquefois dê prendre des pelleteries
qu’ils Vendent dans les
lieux; qui font habitez par des Ruf-
fiens. Ce païs abondé eh renards
blancs 8c bruns ; 6c en écureuils ;
mais on n’y trouve guère de martes
zibelines. Les Villes de Taug- TatigviP
viskoi Si de Mungafeja font fituées &
près dé la Jenifia. Il s’y fait un grand rej™84'
négoce par terre de toutes fortes de
pelleteries, de Narval 8C de dents
de Mammut. Ôn envoyé même
tons les ans de ces deux villes, plu-
fieurs barques à l’embouchure delà
I riviere , 8c fur les côtes de la mer
à la pêche du Narval Sc dès chiens
marins , dont ils tirent Un profit
i confiderable.
C h a p i t r e XXX.
Depart
d’Aftra*
can.
Suite du Voyage de Mr. le' Brun. Son départ cf Aftracan. Suite dti
cours du Wolga. Defcription de la mer Calpienne. Situation
de Derbent. Arrivée en Perfe.
NOtiS nous embarquâmes à
Aftracan le douzième Juillet
pour continuer notre voyage , 8c
allâmes diner à trois verftes de la
ville, à un lieu où les marchands
Arméniens nous avaient fait préparer
un bon repas, 8c où nous nôüS
divertîmes une heure de tems, au
fon de plufieurs inftrümèns ; en fuite
de quoi nous primes congé dë
nos»