1702. toit placéepourcela, avec plufieurs
n .J a n y . dames , dans une tour au-bout de
cette place; Il y enavoituneautre,
des plus élevées du quartier, illuminée
depuis le haut jufqu’en bas :
les grandes tables, dont on a parlé,
brûlèrent chacune plus d’un quart
d’heure du feu qui en fortit. On entendit
en même tems le bruit de la
greffe artillerie , qu’on avoit auflx
déchargée avant le repas. Lors que
de feu d’artifice fut achevé , on
couvrit une fécondé fois les tables.
Je me retirai alors 'à la Slaboàe,
où j ’entendis encore tirer 90 coups
de canon à dix heures, 8c plufieurs
autres enfuite. Ce que je trouvai
déplus extraordinaire, dans une oc-
Cafion comme celle-là, & dans une
j foule femblable., fut qu’il n’arriva 1702.
aucun defordre , par le foin qu’on n . j a n v . •
avoit eu de placer desfoldats&des
gardes de tous côtés. Il n’y eut que
quelques officiers François, quis’é-
tant querellez , mirent l’épée â la
main, & firent du bruit proche de
la loge de fa Majefté. Pour en empêcher
les iuites , on fit planter
quelques jours après, à la Slabode
Allemande, proche de l’églife Hol-
landoife , un pôteau , au bout duquel
on avoit attaché une hache & 0r(lrc ri.
une épée , avec trois affiches où goitreux."
placards, l'un en langue RuJJienne,
1.autre en Latin, & le troifièmeen
Allemand, portant défenfe à un chacun
de tirer l’épée, ou de fe battre
en duel, fous peine de la vie.
C h a p i t r e VI .
Execution rigoureufe faite a Moicou. Noces magnifiques d'un
favori de fa Majefté Czarienne. L'Auteur eft admis en la pre-
fence de tImpératrice, veuve du frere de fa Majefté.
1702. T E dixneuviéme de ce mois on
lâÎiT' J une terrjMe exécution à
tioufeve- Mofcou. Une femme, quiavoittué
re. fonmari, y fut condamnée à être
enterrée toute vive jufques aux é-
paules. J ’eus la curiofité de la voir
en cet état, & elle me parut fort
fraîche & de bonne mine. On lui
avoit noué, autour de la tête & du
col, un linge blanc, qu’elle fit détacher
parce qu’il la ferroittrop.
Elle étoit gardée par trois ou quatre
foldats, qui avoient ordre de
ne lui laiffer rien donner, à boire
ni à manger, qui pût lui prolonger
la vie. Mais il étoit permis de jèt-
ter dans la foffe, où elle étoit enterrée,
quelques Kopykkes ou fols,
dont elle remercioit par un figne
de tête. On employé ordinairement
cet argent àachetter de petits cierges
, qu’on allume à l’honneur de
certains fainfs , qVils reclament,
& en partie pour acheter un cercueil.
Je ne fai même fi ceux qui
les gardent n’en prennent pas leur
part, pour; leur faire donner quelque
nourriture englkèhette, puis ,
qu’il s’en, trouve qui vivent afféz
long-teiûs en cet état. Mais celle-,
ci mourut le fécond jour après que
je l’eus vûë. On fit brûler tout vif,
le même jour, un homme, dont le
crime m’eft inconnu. Je parlerai
plus amplement dans la fuite de ce
qui regarde la Juftice en ce pais.
Préfentement je vai pourfuivre .
ma relation , félon l’ordre des '
tems.
Le vingt-fixieme on célébra le Solemni-
mariage d’un certain favori du té d ul1
Czar , nommé Ftélaet Prienewitz m™sc'
Souskie , feigneur Mofiovite, avec
la Kneesna, ou Princeffe Marie
Surjovena Schorkofskaja, foeur du
Kneesj Eedder Surewitz Schorkofskaja,
auffi favori defa Majefté. Ce
Prince invita à cette folemnité tqus
les principaux feigneurs & dames
de la Cour , les Miniftres étrangers,
1702. gers, 8c une partie des marchands
si. jany. d’outremer & leurs femmes. On
donna ordre à tous les conviez, de
s’habilleî à-l’ancienne. maniéré du
pais , , plus, ou moins richement,
félon le règlement qui en fut fait.
-Les nôces fe firent dans la Slabode
Allemande, à l’hôtel du General le
Fort, decedé depuis quelques années.
C ’eft un grand bâtiment de
■ pierre à Y Italienne , .où . l’on entre
par un efcalier , à droite & à gauche
, à caufe de fa grande étendue.
l ia des appartemens magnifiques,
& un très-beau falon, quié-
toit tendu de riches tapifferies , où
l’on célébra le mariage. Onyvoioit
, deux grands léopards , enchaînés
parle col,.tenant les pattes de devant
fur un écuffon, le tout d’argent
maffif: Un grand globe d’ar-1
gent fur les épaules d’un Atlas de
même métal, outre plufieurs grands
vafes & autres vaiffeaux d’orfèvrerie,
dont une partie avoit été tirée
du trefor du Czar. L ’endroit où '
.l’on devoit s’affembler pour faire la
.cavalcade étoit dans la ville, proche
du château, dans deux grands
ibâtimens vis-à-vis l’un de l’autre.
Le Grand Duc & tous les conviez
s’y rendirent de bon matin , les
hommes dans l’un, 8c les dam|s
dans l’autre. On en fortit fur-les
dix heures pour aller au château,
au milieu duquel je m’étois placé
pour voir cette ¡cavalcade ; qui parut
d’autant plus belle, que le tems
étoit parfaitement beau. Le Czar
s’avança le premier, monté fur un
fuperbë courfier noir. Il avoit un
.habit de tiffu d’or des plus magnifiques
, fa vefte, ou robe de deffus,
étoit entremêlée de plufieurs figu-
■ res de différentes couleurs , 8c il
avoit fur la tête un'grand bonnet
rouge fourré., Son cheval étoit richement
enharnaché , .avec une
belle houffe d’or, aiant à châ-
cune des jambes de devant un cercle
d argent de quatre poucés de
large. Le grand air de çe Prince,
qui eft très-bien à. cheval, n’ajouta
pas un petit ornement à la beauté
de ce fpcdfacle ; qui étoit affu-
rément tout royal. Il avoit à fa
r gauche le Prince Alexandre Danie-
lewitz de Menfikof, habillé de même
d’un brocard d’or, & monté fur
un très--beau cheval, bien orné,
aiant autour des jambes de devant
des cercles d’argent, comme celui
de fa Majefté. Les principaux Knees
i ou Princes,Envoient, deuxiàdeux,
félon leur rang, tous à cheval, & habillez
de même,au nombre de 4,8. Le
Czar étant arrivé de cette maniéré
au château, s?y arrêta pour attendre
les autres, faifant faire des courbettes
à fon cheval. Il étoitprochede
la porte .d’Ewaritz, ou de la Cour,
où font fes appartemens,, & au déf-
fus defq.uels la Prmceffe fa feeur,
l’Imperatriee , veuve ■ du défunt
-Czar, frere defa Majefté , & les
trois jeunes Princeffes fes filles, slé-
tûient placées dans un endroit ouvert.
Lors qu’il paffa fous cette
porte, les Princeffes le faluérent a-
vec un profond refpect,& ce Prince
leur rendit leur falut de la même
maniéré. Tous ces feigneurs é-
tant paffez auffi deux à deux, on
vit avancer quelques lumières,, entourées
d’un grand nombre de valets
de pied. Enfuite, parurent encore
fix-vingt des principaux de la
Cour, deux à deux, habillez comme
les précédens.- CeuX-ci étoient
fuivis des Goojis ou douaniers ; de
notre Refident, & des marchands
étrangers, .dont l’habit- & les: bonnets
differoient entièrement des autres.
Ils avoient pourtant tous des
bottines jaunes , mais des bonnets
plat? & communs, & n’appro-
choient- pas de la magnificence
des autres. Ils étoient au nombre
de 34; de forte qu’il y avoit en
tout 204. perfonnes, à cette cavalcade,
la plûpart richement parez.
Plufieurs de leurs chevaux avoient
des mords d’argent, & quelques-uns
d’entr’eux des chainesde même, lar-,
ges de deux doigts, ou environ,&
affez greffes, qui leur pendoientdir
haut de la tête jufqu’à la bride, 8c
étoient attachées au pommeau de la
felle, ce qui faifoit un cliquetis affez
agréable. Il y en avôit auffi qui
ne les avoient que de fer blanc 8c
plattes. Après cela on vit. paraître
D 2 cinq.
i foi .
16 . Janv*