4ô i V O Y A G E S
„ 0-nous encrâmes dans les montagnes I la tête, & que j’euife deux bonnes 1707.
u.Mus.& ne fi mes que cinq lieues ce jour- couvertures, & un grand feu dans ii- Mars
là. Le lendemain nous trouvâmes un petit lieu,
beaucoup d’eau dans les plaines, 8c I Le lendemain fur les 10. heures,
avançâmes jufques à Corondara , à nous parvînmes dans, les montagnes,
6. lieues du Caravanferai, où nous & ne pûmes avancer, que jufqu’à
avions paffé la nuit. Enfuite nous
traverfàmes des terres labourées 8c
rencontrâmes plufieurs Caravanes.
Nous paifâmes à une lieuë de Sul-
tanie fur les 4. heures, & allâmes
palier, la nuit au Caravanferai de
Kara - boelag , après une traite de
8. lieues. Un chien courant que
j ’avois, y prit dans, la plaine un petit
animal nommé Zits-jan , qu’il
m’apporta en vie, & un autre peu
après, lefquels je fis éventrer, pour
les confervèr. C ’eft une efpece de
rat de campagne , de la grofieur
d’un écureuil , qui a la queue
courte, & le poil & la couleur d’un
lapreau., aufii bien que la forme,
hors qu’il a la tête plus grolfe, &
les deux dents de deffous la moitié
plus longues que celles de defîùs.
I l a auilï les: pattes de devant plus
courtes que celles de derrière, avec
quatre gnfes, 8c une plus.petite,
& cinq à celles de derrière , réf.
femblant allez à celles d’un linge.
En voici la reprefentation.
Arrivée à Nous arrivâmes le lendemain à
zingan. Zingan, où nous trouvâmes le Caravanferai
tellement rempli d’ordures
, que nous fûmes obligez de
nous retirer dans une étable, à l’autre
bout de la ville, où nous reliâmes
le jour fuivant à caufe du mauvais
tems. C ’eft un pauvre lieu,où
l ’on ne trouve rien de remarquable.
Au fortir de là, nous traverfàmes
i une plaine remplie d’èau, aiant des
montagnes à droite 8c à gauche, à
quelque, diftance. Nous paifâmes
enfuîte deux fois une efpece de tor-
. renty dans lequel un de nos chevaux
fe renverfa; il .étoi%chargé de
Caffé que nous fîmes fecher à la
couchée..■} sSu-is4è midi nous arrivâmes
kMiïhul, où il fallut nous arrêter,
à caufe du mauvais tems ; 8c
il fit fi froid pendant la nuit, que
j ’eus bien de la peine à m’en garantir;
nonobftant que je fûiTe- couvert
de fourures depuis les pieds jufqu’à
Serg-Àbeth, à 4. lieues de l’endroit
où nous avions palfé la nuit. Nous
n’y eûmes pas moins à fouffrir du
froid, que le jour precedent,avançant
.toujours, au nord, 8c lèvent
étant également violent ; mais nous
fûmes mieux logez chez un particulier.
Nous eûmes de la pluie le
jour fuivant , 8c ne fîmes que 4.
lieues., jufques à Agkant, aianttra-
verfé de hautes montagnes -8c des
vallées remplies d’eau. J’eus un-
accès de fievre fur le foir,- & m'allai
coucher- aullî-tôt, après avoir
pris du vin brûlé avec du - lucre 8c
quelques herbes. Au refte , nous
fûmes obligez de relier en cet endroit
jufques à la fin du mois- pour
faire repofer nos chevaux. Au for-
tir de là nous traveriàmes encore
quelques montagnes ôc- des plaines
inondées, 5c commençâmes, furie
midi , à monter le mont Taurus,
que les habitans nomment CafelPfan :
on en a déjà parlé, aufïï bien que
de la riviere de Kurp 8t du pont
qu’on y traverfe en cet endroit. A-
près en avoir palfé une autre, nommée
Kurpu-koebaey, nous nous arrêtâmes
dans les montagnes, aiantfait
une traite de 5. lieues.
Le premier jour d’A v r il, nous entrâmes
dans une autre montagne,
où nous trouvâmes les tombeaux des
habitans des villages d’alentour. On
fut Obligé de s’y àrrêtèr quelques
heures, dans des terres labourées,
les chevaux de charge n’en pouvant
plus. Nous y rencontrâmes plufieurs
voyageurs, 8c une grande Caravane,
bien pourvue d’armes. Je
m’avançai cependant avec quelques
antres jufqu’à Paggesjiekj mais le
refte de la compagnie 6c toutes les
bêtes de fomme refterent dans les
montagnes. Le lendemain notre Caravane
palfa à côté de nous, 8c nous
apprîmes qu’elle avoit perdu quelques
chevaux. Nous la rejoignîmes
fur le midi à Ries, où nous
. ref-
C h a p i t r e L X X X I I .
Départ ¿f Ardevil. Injuflice des Douaniers. Accident fâcheux.
Rivieres de Kur & d’Aras. Arrivée d Samachi. Violences
des Perfans. Pais fertile.
De art " N j Ous partîmes d'Ardévil Itdix-
d’Arde-, •*- feptième Avril pour nous ren-
dre à Mierafraef, où nous allâmes
loger chez le conducteur de la Caravane.
Le lendemain nous avançâmes
jufqu’à Sabbad-daer, qui n’en
eft qu’à deux lieuës. Nous trouvâmes
les chemins fort mauvais, 8c
rencontrâmes une grande Garava-
ne: mais rien n’eft fi incommode, en
ce quartier-là, que la fitmée , qui
n’a de fortie que par la porte. Le
dix-neuvième nous traverfàmes un
grand pont de pierre fur la riviere
de Karajfoe, dont le cours eft des
plus-rapides. Les Douaniers s’y
rendirent Sc nous obligèrent d’y
payer un Mamoedie par cheval. J’en
avois cependant déjà payé trois pour
T om . II.
le mien à la porte de la ville, Sc
deux pour mon bagage avant de
fortir du Caravanferai. Il en fallut
pourtant pafler par là , bien qu’ils
n’euffent aucun droit de l’exiger.
Après avoir fait 3. lieuës de chemin
nous nous arrêtâmes à c-ôté du
village de Koroet.fiaey , où nous
reliâmes jufques à la pointe du jour, .
enfuite de quoi nous fimes 3. autres
lieuës, repofant toujours en rafe
campagne. Le lendemain nous tra-
j verfàmes les montagnes jufqu’à Bar-
/and, pais qui n’eft ni fous la jurif-
diftion d’Ardévil, ni fous celle du
Mogan, 8c par cette raifon, on eft
obligé d’y payer 3. Mamoedies de
chaque bête de charge. Nous ne
fimes que deux lieuës le jour fui-
F f f i vant,
T-0- rellâmèsjufques au lendemain. Paf-
1. Avril, fant enfuite proche d’un certain village,
nous eûmes quelque démêlé
avec des Douaniers, qu’il fallut fa-
tisfaire. Cependant, nous en rencontrâmes
d'autres à cheval, armez
de lances, qui exigèrent de nous
les mêmes droits que nous venions
de payer. On eût beau leur dire,
qu’on les avoit déjà payez, il fallut
encore leur donner quelques
Mamoedies pour s’en défaire. Nous
paifâmes enfuite à côté d’un petit
la c , dont les environs étoient émail-
lez de mille fleurs, 8c remplis de
- - petites hyacinthes bleuës , chofe
fort extraordinaire en ce quartier-là,
où la plupart des plantes font flétries.
Nous arrivâmes fur les 6. heures
au petit Caravanferai de Koere-
ien, après une traite de fix lieuës:
la fievre m’y reprit, 8c m’obligea
d’y relier jufques au lendemain,
pendant que les Arméniens fe ren-
'Arrivée à dirent à Ardevil. Je les fuivis le
A rd ev ri. j o u r fuiVant & y arrivai fur les 3.
heures après midi. Le Géorgien, 1707.
qui nous avoit accompagné d’ifpa- 1. A v r il.
h an, y mourut pendant la nuit, 8c
l’on fut fort furpris de trouver qu’il
étoit Mahomet an Sc circoncis.
Quelques jours après on recommença
le deuil de Huffem, dont on
a parlé plufieurs fois. Il faifoit un
froid extraordinaire, 8c tout étoit
couvert de neige. Nous fûmes obligez
de nous, arrêter en cette ville
pour y attendre une grande Cara-
vane, qui:étoit partied ’Ifpahan a-
vant nous, ce quartier-là étant rempli
de voleurs,. 8c fur tout le païs.
de Mogan. Plufieurs Arméniens allèrent
cependant à Gilan, pour fe
rendre de là à AJiracan par la mer
Cafpienne. J ’en chargeai un de m’y
achetter quelques étofes de foye,
qu’on y fait en perfeétion. Cette ville
eft à 6. journées d’Ardevil, où
l’on en fait aufii d’affez jolies, 8c à
très-bon marché; mais elles n’approchent
pas de celles , qui fe fabriquent
à Gilan.